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choisit ses représentans au reichsrath. Les Tchèques s’abstinrent de prendre part aux délibérations où furent désignés les députés envoyés à Vienne, et leur orgueil blessé conçut le projet du voyage de Moscou. M. Klaczko a cité ici même quelques-uns des discours dits en langue allemande à ces agapes de la fraternité panslaviste. Je ne veux relever qu’un seul passage d’un de ceux qu’a prononcés M. Rieger. « Tous les peuples manifestent successivement leur grandeur sur la scène du monde. Aujourd’hui c’est le tour des Slaves. C’est à vous de prendre la première place dans ce travail de résurrection, à vous frères de Russie, nation colossale, qui avez amené la catastrophe napoléonienne lorsque toute l’Europe se ruait sur vous. C’est à vous maintenant de prendre l’offensive et de délivrer les Slaves du sud du joug ottoman. Que la Russie accomplisse sa mission. Tous les Slaves s’inclineront devant elle. Vive la Russie ! »

Tels sont les hommes qui prétendent tracer les voies de la politique autrichienne et qui se plaignent de n’avoir pas été consultés au lendemain de Sadowa ! A coup sûr on pourrait crier à l’injustice, si les Allemands prenaient occasion de pareils discours pour opprimer les Slaves ; mais on comprend qu’ils n’aient nulle envie après cela de renoncer à la gestion des intérêts de politique générale communs aux deux grandes races de l’empire. La seule présence des Slaves d’Autriche à Moscou est un indice certain qu’ils relèguent au second, plan leur nationalité autrichienne lorsqu’il s’agit de témoigner de leurs rancunes à l’égard des Allemands. Ils réclament l’autonomie bien moins pour le bienfait de former une société libre que pour assurer le triomphe de leur langue, de leurs institutions sur la langue et les institutions des Allemands. Déplorable conflit, où les mots de nationalité et de liberté sont détournés à chaque instant de leur sens naturel ! La nationalité slave en est venue pour beaucoup de gens à signifier le succès de la langue russe comme idiome de tous les Slaves depuis la Save jusqu’à la Mer-Blanche, des sources de l’Elbe à la Caspienne. Cette théorie a des avocats parmi les écrivains de la Gazette de Moscou, à Prague et à Agram. En 1848, on rêvait une Autriche centre des nationalités slaves ; aujourd’hui on parle de l’agrégation de toutes les races slaves à l’empire du tsar, et M. Barschew s’écrie à Moscou, aux applaudissemens de ses hôtes autrichiens : « Unissons-nous pour former un tout compacte, et le nom de ce grand peuple sera géant. » Quant au mot de liberté de la couronne de Bohême, on en a expliqué le sens dans la fête donnée le 28 septembre dernier à l’occasion du cinquantième anniversaire de la découverte d’un manuscrit slave. Il signifie que les Tchèques imposeront leur langue aux Allemands et