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contenues dans les diplômes d’octobre 1860 et de février 1861, afin de prévenir par un contrôle sérieux de l’opinion publique les écarts d’une politique trop personnelle, afin d’assurer au reichsrath, du moins dans les pays cisleithans, une action constante et régulière sur la marche des affaires intérieures. Les Allemands comprenaient bien qu’au sein de cette assemblée le premier rôle serait pour eux, non pas qu’ils y fussent les plus nombreux, mais à cause de leur incontestable supériorité intellectuelle. C’est en effet une loi nécessaire de toutes les sociétés. Si parmi les groupes dont elles se composent il s’en trouve un qui comprenne un plus grand nombre d’hommes propres aux affaires publiques, c’est à celui-là, quoi qu’on fasse, que reviendra l’action prépondérante dans le gouvernement.

Ainsi, en vertu de leur choix libre et raisonné, les Allemands de l’Autriche renonçaient à être maintenus dans la confédération des peuples allemands, d’où la violence les avait exclus. Ils repoussaient le pangermanisme par la crainte de jeter les Slaves dans les voies du panslavisme, c’est-à-dire de la Russie. Toutefois ils mettent à ce renoncement une condition singulièrement propre à affermir la paix. Ils entendent que les forces militaires de l’Autriche ne puissent jamais être tournées contre le reste de l’Allemagne. D’ailleurs ils sont très tentés de reprendre le rôle que leur assignent leurs philosophes, leurs poètes et leurs romanciers, celui de moniteurs des populations arriérées qui vivent au milieu d’eux. Pour y réussir, les Allemands ont à échapper au même écueil que les Magyars. Il leur faut quitter cet esprit exclusif qui leur a fait plus d’une fois repousser les demandes légitimes des Slaves autrichiens. Ils ont à se débarrasser d’un certain pédantisme administratif peu propre à la bonne expédition des affaires, et qui parfois leur fait porter, à la tribune au sein des commissions, dans le texte des lois, un luxe de formalités tout bureaucratique, tendance regrettable dans un état qui n’a pas un instant à perdre, s’il veut se mettre au niveau politique des autres états de l’Europe. Au demeurant toutefois, les Allemands de l’Autriche sont si bien doués qu’à la première session du reichsrath en 1860 il s’est tout de suite trouvé une demi-douzaine d’hommes capables de faire honneur à des nations vieillies dans la pratique des institutions libres. Citons en tête le prince Auersperg, d’une grande famille de Bohême et président probable du conseil dans le ministère cisleithan qui va se former, le savant criminaliste M. Herbst, M. Giskra, le hardi bourgmestre de Brünn pendant l’occupation prussienne, M. de Kaiserfeld, le premier qui ait élevé la voix parmi ses compatriotes allemands du reichsrath pour réclamer les droits de la Hongrie