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semblable concession. La négociation échoua, et en se retirant les Croates semblèrent vouloir fermer toutes les portes derrière eux. Nature emportée et mobile, Mgr Strossmayer usa son influence à élargir l’abîme qui séparait ses compatriotes des Magyars, « Fions-nous-en à l’expérience de 1848, dit-il. Je vois bien aujourd’hui pour ma part que toute tentative ultérieure d’entrer en négociation avec la Hongrie ne peut aboutir qu’à un échecs Nous ne saurions accepter les lois votées à Presbourg et à Pesth en 1848. C’est comme nation autonome que nous figurons dans l’histoire et que nous avons pris part à la pragmatique sanction. Aujourd’hui comme alors c’est à notre diète seule de parler et de nous représenter dans les questions de droit public. Votons l’adresse qui posera nettement tous ces principes, et je suis sûr que notre conduite aura les meilleurs résultats pour le pays. » Cette adresse, qui devait sauver le pays, demandait entre autres concessions un ministère spécial pour la Croatie. L’exagération de ces demandes frappait tous les esprits, car on savait bien que pour y répondre l’empereur et ses conseillers n’avaient pas seulement à examiner s’ils contenteraient les Croates, qu’ils avaient encore à se rendre compte de l’effet qu’on produirait dans le reste de l’empire en se montrant trop tolérant à leur égard.

Il n’y avait rien d’ailleurs dans l’attitude du parlement hongrois qui fût de nature à expliquer ce déchaînement des passions anti-magyares. Le projet de loi sur les affaires communes à la Hongrie et au reste de l’empire renfermait un paragraphe spécial à la Croatie où il était dit : « Un arrangement spécial concerté entre notre parlement et la diète d’Agram déterminera la proportion dans laquelle les pays représentés à Agram prendront part à l’élection de délégués chargés de traiter les affaires communes à toute la monarchie et fixera le mode de cette élection. » C’était encore la page blanche que Deák offrait aux Croates pour y inscrire leurs droits, et l’on n’était pas très éloigné d’accorder ce que les Croates étaient venus demander à Pesth. Il s’agissait moins d’une question de fond que d’une question d’étiquette internationale. Les Croates furent intraitables à la diète d’avril comme ils l’avaient été à celle de décembre, et François-Joseph fut couronné roi de Hongrie et de Croatie sans que personne fût venu d’Agram pour prendre part à cette solennité. Aucun diplôme spécial de couronnement ne fut rendu pour consacrer les anciens privilèges spéciaux de la Croatie ou pour réorganiser le pays d’après les principes libéraux mis en avant par M. de Beust. Le provisoire continua et continue encore. Le ministère hongrois a pris la haute main sur les affaires de la Croatie et la diète d’Agram n’est pas convoquée.

En lisant les séances de cette assemblée, on est frappé de