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d’heureux pour son pays. Pour en agir ainsi, les Magyars seraient-ils assez forts, pourraient-ils se passer d’alliés ? A coup sûr ce ne serait pas le nom de Kossuth qui leur en donnerait, car sa courte dictature a été marquée par de regrettables actes de violence envers les autres races du royaume de Hongrie. Il est juste de tenir compte à l’ancien dictateur du prestige qu’a laissé à son nom la participation à la grande réforme sociale de 1840 à 1848, et ce souvenir lui a valu en effet le choix des trois cents électeurs de Waitzen et l’abstention des deux mille Deákistes de cette ville ; mais il a ruiné son influence sur la gauche en déclinant le mandat qui lui était offert. La conduite des affaires reste sans conteste aux mains des amis de M. Deák.

Ceux qui savent apprécier le bénéfice pour les nations libres de partis fortement disciplinés ne seront pas sans ressentir une vive admiration pour l’organisation du parti modéré à la diète de Pesth. Aucun projet de loi, aucun amendement n’est porté en assemblée générale avant d’avoir été discuté librement par les membres du club Deák. Dans ces réunions, il n’est pas un-seul point des affaires publiques qui ne soit l’objet d’un examen approfondi. C’est là que l’empereur François-Joseph a trouvé facilement son premier ministère hongrois, et les ministres y viennent familièrement exposer leurs vues, recueillir les critiques ou les conseils de leurs amis de la majorité avant d’affronter le débat public. Sur toute affaire d’importance, la conduite est concertée d’avance. Les lignes générales du débat sont tracées lorsqu’on arrive devant la diète, et on évite ainsi ces discussions confuses, ces entraînemens irréfléchis si fréquens dans les assemblées politiques nouvelles à la vie constitutionnelle.

L’acte du couronnement de François-Joseph au bout de dix-huit années de règne restera un des traits les plus brillans de l’histoire de la Hongrie. La cérémonie du couronnement est à tous ses instans le signe visible du pacte qui doit unir la nation et le souverain. Cette fois ce n’était pas une aristocratie privilégiée, c’était bien la nation tout entière qui prenait part à cette fête. C’étaient des députés élus sans distinction de classes qui avaient élaboré le diplôme du couronnement, cette charte des droits du royaume renouvelée à chaque règne et qui met la constitution hongroise à la hauteur de tous les progrès libéraux de notre siècle, tes mêmes hommes qui avaient pendant seize années montré une si énergique persistance à réclamer leur droit écrit avaient rédigé la formule du serment prêté par le roi à son peuple. Le personnage qui remplissait les fonctions attribuées jadis au palatin, celui que les anciennes traditions mettaient immédiatement au second rang,