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dans le reste de la monarchie. Une révolution est un acte de désespoir qui entraîne des maux violens ; nous n’en avons pas voulu. Attendre dans le silence notre salut d’événemens impossibles à prévoir, c’eût été compromettre pour une période de temps indéterminée les intérêts auxquels la nation magyare est chargée de veiller. Nous avons préféré nous arrêter au dernier parti. Chaque fois que l’occasion s’en est présentée, nous avons prouvé clairement à notre souverain la justice de notre cause. Aujourd’hui il s’agit de lui montrer que le rétablissement de la constitution hongroise ne saurait être un péril pour l’existence de la monarchie autrichienne. C’est à cet effet que notre diète a nommé une commission de soixante-sept membres qui vous propose un projet de loi sur les affaires communes entre ce pays et le reste de l’empire. Ce projet, nous ne vous le donnons pas pour une œuvre parfaite, nous vous le donnons pour une œuvre que nous croyons appropriée aux circonstances où nous nous trouvons. Je comprends et j’apprécie le sentiment qui anime quelques-uns de mes collègues lorsqu’ils soutiennent que notre conduite n’est pas conforme à la constitution. Une constitution est pour une nation un dépôt sacré, et nous avons reçu mandat d’en être les gardiens jaloux ; mais j’ai à cela une courte réponse. Nous ne vivons pas et nous n’avons jamais vécu ayant des intérêts complètement séparés de ceux de l’Autriche. Quand le pays a reconnu à la branche féminine des Habsbourg le droit de monter sur le trône des fils d’Arpad, la pragmatique sanction a dit que les deux groupes seraient indissolublement unis, et n’a-t-il pas fallu que les deux pays contractassent mutuellement l’engagement de s’armer pour leur commune défense ? A toute époque, les états de Hongrie ont respecté cet engagement. En 1809, quand Napoléon Ier proclame qu’il vient faire la guerre non pas aux Magyars, mais à l’Autriche, toute la nation se lève pour défendre la Hongrie et l’Autriche : même en 1848 on voit Kossuth déclarer à la diète de Pesth, après Batthyanyi et Eotvös, qu’il faut se conformer à l’esprit de la pragmatique sanction et mettre à la disposition de sa majesté toutes les forces nécessaires pour résister aux ennemis extérieurs, et les régimens magyars demeurèrent fidèles en Lombardie au drapeau de l’empire malgré les sympathies que nous éprouvions pour la cause italienne. Au temps actuel, où quelques heures à peine s’écoulent entre la déclaration de guerre et le début des hostilités, où la concentration de deux cent mille combattans est l’affaire d’une semaine, il est nécessaire que les troupes du royaume de Hongrie soient unies à celles des pays de l’ouest pour être prêtes à l’instant voulu à défendre l’empire. Voilà le motif qui nous a fait insérer au projet l’article XII, portant que notre roi, comme chef du pouvoir exécutif, aura le commandement et la libre disposition de l’armée. »