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XIV

Ronald Kilsyth, lui, ne tremblait pas. Il fut le dernier à vouloir se convaincre que sa sœur pouvait être en danger. Quand son père, plus aisément alarmé, lui parlait de la toux qui depuis quelque temps fatiguait Madeleine : — Ban ! disait-il avec impatience, Maddy tousse depuis qu’elle est née. — Ce qui était vrai, mais ne prouvait rien, tant s’en faut, contre les inquiétudes paternelles. Un beau jour enfin, après une courte absence, il résolut d’en avoir le cœur net, et contre sa coutume se présenta un matin chez Ramsay Caird. Il trouva sa sœur tout autre qu’il ne l’avait vue jusque-là, quand il venait assister à son départ pour quelque fête et lorsqu’elle s’offrait à lui avec l’éclat factice de la toilette, l’excitation passagère du plaisir. Ce jour-là, étendue sur un divan, une de ses mains passée sous sa tête, elle laissait pendre l’autre négligemment le long des coussins. Ronald s’empara, de celle-ci, qu’il sentit glacée. Une minute après, réchauffée entre les siennes, elle devint presque brûlante. — En bien ! Maddy, que me dit-on ? Vous souffrez ?… vous ne voulez plus sortir ? — En même temps il se penchait pour la baiser amicalement sur le front. Ses lèvres se posèrent sur une peau moite que la jeune malade étanchait par momens en y posant son mouchoir. Le sourire tendre et mélancolique qui saluait sa venue lui alla droit au cœur. Ronald, dans ses rares attendrissemens, était beaucoup plus susceptible d’émotion que ne le laissait supposer sa brusquerie habituelle.

— Vraiment, je ne vais pas si mal que cela, répondit Madeleine en se redressant et s’appuyant sur un coude, les doigts noyés dans sa chevelure aux flots d’or… Je me suis seulement aperçue, il y a quelques jours, que je ne pouvais plus me forcer pour sortir sans cesse, courir les soirées, veiller et tout ce qui s’ensuit… Notre cher père d’ailleurs commençait à s’alarmer… Voilà tout… Je suis confuse de ma faiblesse devant un Spartiate comme vous ;… mais vraiment je ne me sentais plus en état de continuer cette existence vagabonde, et j’ai dû prier lady Muriel de me laisser quelque répit.

— N’ayez pas peur que je vous gronde, reprit Ronald donnant à sa voix l’accent de la plaisanterie,… le temps des férules est passé… Vous savez d’ailleurs que je n’ai jamais trop compris l’absurdité de vos passe-temps, à vous autres femmes ;… mais, par parenthèse, comment Ramsay, s’il vous savait souffrante, n’a-t-il pas interposé plutôt son autorité souveraine ?

Madeleine ici rougit quelque peu. — Ramsay, répliqua-t-elle, est toujours la bonté même ; seulement vous savez combien nos doléances féminines sont ennuyeuses pour vous autres hommes (elle souligna