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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


Admis en présence de l’archevêque, les Longs-Frères, se prosternant à ses pieds suivant l’usage, exposèrent en peu de mots les événemens qui les amenaient à Constantinople et que Chrysostome connaissait vaguement par le bruit public. Ils ajoutèrent qu’ils venaient lui demander sûreté pour leurs personnes et protection près de l’empereur contre les violences de leur patriarche, dont ils réclamaient le châtiment de la justice du prince. Ils avaient à cet égard dressé un libellé d’accusation qu’ils lui présentèrent. Chrysostome les releva avec bonté, et, les interrogeant sur les questions de doctrine d’où était né le dissentiment, il leur fit expliquer dans un entretien familier leurs opinions sur les points les plus délicats de l’origénisme. Nourri comme il l’était de la fleur des doctrines orientales, il eut bientôt sondé ces cœurs sincères et ne découvrit rien dans leur foi qui pût justifier la condamnation d’un concile et l’excommunication d’un évêque. « Je me charge de cette affaire, leur dit-il, et je ferai en sorte qu’un autre concile vous absolve, ou que votre évêque lève de son plein gré votre excommunication. Reposez-vous-en sur moi. » Quant à la requête qu’ils voulaient adresser à l’empereur, il leur conseilla de ne point le faire, de ne point traduire un chef ecclésiastique devant des juges séculiers. « C’est à l’église, leur dit-il, de juger les choses de l’église ; les tribunaux temporels n’ont rien à voir dans des débats qui intéressent le service de Dieu. » Et, les congédiant, il ajouta : « Mes frères, vous ne logerez point ici, car je ne puis recevoir à ma table et sous mon toit des hommes condamnés et excommuniés que leur condamnation ne soit réformée canoniquement, et leur excommunication retirée ; mais je vous placerai dans les cellules de mon église d’Anastasie, où mes diaconesses ne vous laisseront manquer de rien. Par la même raison, vous ne pouvez être admis à la communion des mystères ; je vous autorise toutefois à participer en commun avec nous aux prières de l’église. » Il leur enjoignit enfin de rester renfermés au domicile qu’il leur assignait, de se montrer rarement dans la ville, surtout de garder un silence absolu touchant l’objet de leur voyage, dont la bonne issue devait tenir aux décisions d’un concile et à ses propres soins, que troubleraient d’inutiles interventions venues du dehors. Cela dit, il fit conduire les Longs-Frères et leurs compagnons dans les vastes cloîtres qui entouraient l’église d’Anastasie, et, mandant près de lui la diaconesse Olympias, il la chargea de s’entendre avec les matrones de la ville pour procurer à ces hommes dénués de tout la nourriture et le vêtement.

La préoccupation de Chrysostome au sujet de cette aventure était grave, car il en pouvait rejaillir un grand déshonneur sur l’église, si les faits, tels qu’ils lui étaient racontés, le procès d’Isidore, le sac des couvens de Nitrie, la condamnation des Longs-Frères sans