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l’antique église, sauvée de la ruine par ses soins, que le vaillant fils de saint Etienne allait descendre au champ du repos. Les huit jeunes comtes qui avaient porté le cercueil sur le char funéraire le déposèrent dans la fosse. Quand le prêtre eut dit les dernières prières, tous les assistans, jusque-là silencieux, entonnèrent d’une seule voix l’hymne national des Magyars, le Szozat du noble poète Michel Vörösmarty.

Quelques semaines après, le 30 avril, une cérémonie plus grandiose encore, car la Hongrie entière y avait ses représentans, fut célébrée à Pesth. L’académie nationale faisait chanter un Requiem pour son glorieux fondateur. De tous les comitats, des milliers d’hommes étaient accourus. Deux cents cierges brûlaient autour du catafalque ; tous les membres de l’académie, tous les présidens des sociétés hongroises, des représentans de toutes les écoles, se tenaient debout, une torche à la main, à droite et à gauche du funèbre trophée où brillaient les armes des Széchenyi. Une foule immense emplissait la vaste nef, les bas côtés et les chapelles. Aux environs de l’église, les places, les rues, les quais du Danube, étaient occupés par une multitude à la fois ardente et recueillie. A l’hôtel de ville, à l’académie, au casino, au faîte de tous les palais, on voyait flotter des bannières de deuil. Le cardinal-archevêque, primat de Hongrie, Jean Sczitovzky de Groszker, quoique malade depuis longtemps, était venu officier en personne. Après la cérémonie, le comte Emile Dessewfy, président de l’académie, remercia le cardinal au nom de ses confrères, ajoutant d’une voix forte que le clergé hongrois était uni à la nation dans la foi à la justice, dans l’amour de la patrie et dans l’espérance d’un avenir réparateur. Le primat répondit dans le même sens, confirmant par son adhésion ce credo patriotique, puis il tendit la main aux deux fils du comte Stéphan et les embrassa sur le front. Il reçut ensuite une députation de la jeunesse qui venait lui demander sa bénédiction, et, comme la multitude rassemblée autour du palais exprimait le même désir, il parut au balcon, leva ses mains vers le ciel, envoya les paroles bienfaisantes à la foule, à toute la ville, à la Hongrie entière, — urbi et patriœ. Il avait été impossible au cabinet de Vienne d’empêcher cette manifestation de tout un peuple ; les scènes que nous venons de décrire s’étaient passées en présence du gouverneur autrichien, le général Bénédek, un des agens les plus redoutés alors de ce système de fer, de cette compression aveugle renversée pour toujours à Sadowa.

Voilà certes un grand spectacle ; il y en a un autre plus grand encore. Vous avez vu la mort et les funérailles du comte Széchenyi ; songez maintenant à sa résurrection. Sept ans après, le plan qu’il