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Zinltendorf, la demeure héréditaire des Széchenyi, pour y être enseveli dans les caveaux de la famille. Il arriva dans la soirée. Tous les habitans du lieu, tous ceux des villes voisines étaient venus avec des torches allumées au-devant de l’illustre mort. Quand le corps fut déposé dans la chapelle du château, plus de six mille personnes se pressaient à l’entour. L’enterrement eut lieu le lendemain. Huit jeunes comtes de la famille des Széchenyi se chargèrent du cercueil et le placèrent sur le char attelé de quatre chevaux. Les petits enfans du pays, les jeunes gens des écoles, tous les habitans de Zinkendorf ouvraient la marche ; puis venait le curé de la paroisse avec seize ecclésiastiques, un peu après tous les domestiques du comte, enfin le char funéraire portant le catafalque sur lequel on apercevait le costume hongrois du défunt, son kalpalk et son attila de couleur violette, qu’il aimait à porter dans les occasions solennelles. A droite et à gauche marchaient quatre cents porteurs de torches, l’élite des habitans du district. Derrière le char, accablés par la douleur, s’avançaient les deux fils du grand Magyar, le comte Béla et le comte Odon, puis les parens, les amis intimes, les compagnons d’armes, Franz Deák, Sigismond Kemeny, Karolyi, Erményi, Podmaniczky, Babarczy, Pallavacini, et l’historien de la littérature hongroise, Franz Toldy. Une foule immense, accourue de toutes les contrées environnantes, fermait le cortège. On se dirigeait vers le cimetière de Zinkendorf, où sont les caveaux des Széchenyi. Zinkendorf est situé sur la limite de la Hongrie et de l’Autriche. Quelques mois auparavant, le comte Stéphan, dans une lettre éloquente à ses compatriotes, les invitait à souscrire pour la reconstruction de la vieille église. « Nous autres, disait-il, habitans de Zinkendorf, nous sommes placés à l’extrême frontière de notre chère patrie, autrefois si heureuse. Zinkendorf est le premier lieu du côté de l’ouest où le roi des rois est adoré dans notre idiome maternel, dans cet idiome attaché à nos cœurs et à nos âmes par des racines indestructibles, — et l’église de Zinkendorf est menacée de ruine. Sans doute Dieu entend de toutes parts les gémissemens des cœurs désolés ; en quelque endroit qu’il se trouve, dans la forêt comme dans la plaine, l’homme peut se faire un autel d’où le sacrifice monte jusqu’aux deux ; toutefois les œuvres durables qu’il construit à la gloire de Dieu avec des mains pures et dans une pensée pieuse le rapprochent du but suprême de notre race, lequel n’est autre chose qu’un perfectionnement indéfini et une transfiguration perpétuelle. Relevons donc, avant qu’il soit trop tard, relevons ici le temple de Dieu et dédions-le à notre premier roi, à ce saint Etienne qui a fondé notre royaume il y a près de mille ans, et qui certainement ne le laissera pas périr. » C’est à l’ombre de