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et Fontenelle, après avoir laissé leur ardeur s’épuiser contre des murailles inexpugnables, fit une sortie dans laquelle il coucha un millier de paysans sur le carreau. Afin d’imprimer aux populations une terreur plus profonde, il défendit sous peine de mort d’enlever les cadavres, ainsi protégé dans son repaire par l’odeur même du carnage.

Quelque temps après, Fontenelle assiégea Corlay, petite place fermée occupée par un détachement de royaux ; il l’enleva par un coup de main. Demeuré maître des évêchés de Tréguier et de Léon depuis le versant nord des montagnes jusqu’à la Manche, il alla de concert avec La Magnane attaquer la ville maritime de Roscoff, qu’ils mirent à sac. Ces deux brigands ne laissèrent dans ce pays ni une maison aisée sans la dépouiller, ni un village sans le frapper de réquisitions appuyées de menaces d’incendie. Quoique Fontenelle disposât alors d’un millier d’hommes aguerris, il dut quitter au plus vite le nord de la Bretagne pour se rejeter vers le sud en apprenant que le maréchal d’Aumont, ayant suspendu ses opérations contre Mercœur et les Espagnols, marchait sur lui en exprimant très haut la résolution de pendre toute sa compagnie, le capitaine en tête. Comprenant que l’heure était venue de chercher quelque position inexpugnable d’où il pourrait traiter avec le gouvernement royal, il jeta les yeux sur la ville de Douarnenez, située au fond d’une vaste baie à quelques lieues de Quimper. A côté de cette petite ville, enrichie par la pêche, s’élève un îlot dénudé, chaque jour entouré par la mer montante, qui rend impossibles les opérations d’un siège régulier. Les forces rassemblées par le gouverneur de Quimper n’ayant pu l’arrêter au passage, il pénétra dans Douarnenez, où beaucoup de riches propriétaires des environs étaient venus, sur le bruit de sa marche en Cornouaille, se réfugier avec leurs effets les plus précieux. Fontenelle fit un butin immense, ce qui fut la moindre part du malheur des habitans. « Ils furent traités à la turque par tourmens de toute sorte, pour tirer plus grande rançon d’eux que ne montait tout leur bien, et ainsi, les mettant à l’impossible, ils mouraient misérablement dans les cachots et cloaques. Ceux qui pour éviter les tortures avaient, au moyen de leurs amis et parens, pu trouver promptement leur rançon, sortaient demi-morts, semblant des anatomies, n’ayant que la peau et les os, chargés de puanteur et de vermine, lesquels, sitôt qu’ils étaient à changer d’air, mouraient pauvrement d’une enflure….. Enfin la ruine que Fontenelle porta en Cornouaille fut si grande qu’il serait incroyable de la réciter[1]. »

Vers le milieu de 1595, Fontenelle était parvenu à faire de l’île

  1. Moreau, chap. XXXV, p. 270.