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l’incendie vint éclairer cette victoire, dont le pillage ne tarda pas à devenir le complément.

Sitôt que le duc de Mercœur fut informé de cet événement, il s’empressa d’écrire aux Malouins pour les féliciter à un succès qui portait aux royalistes un coup très sensible. Ils répondirent au prince en termes respectueux, mais calculés, qui faisaient clairement comprendre que, tout en demeurant dévoués à la sainte union, ils entendaient la servir à leur guise et non pas à la sienne. Les Malouins refusèrent nettement d’admettre dans leur ville le renfort que leur envoyait le gouverneur, se déclarant assez forts pour la défendre. Parmi les entreprises militaires pour lesquelles leur concours fut réclamé, ils ne secondèrent que celles dont il leur parut possible de profiter pour eux-mêmes. Tels furent les sièges des châteaux voisins, que la sécurité de Saint-Malo leur commandait de soumettre. Après avoir pris leurs sûretés du côté du prince, les bourgeois s’empressèrent de les prendre vis-à-vis de leur évêque, seigneur temporel de la cité. Arrivé soudainement de Rome sur un navire malouin frété à Civita-Vecchia, le prélat, à peine installé en son palais, fut fort surpris de s’y voir gardé à vue par ordre du corps de ville. En vain se disait-il bon ligueur ; ses protestations n’empêchaient pas qu’il ne fût frère de M. de Cucé, l’un des principaux magistrats du parti royaliste de Rennes, et les Malouins lui appliquèrent la fable de Phèdre. L’évêque dut se résigner : remettant aux mains du procureur-syndic de la communauté l’exercice de tous ses droits seigneuriaux, il accepta la ville pour prison en attendant des jours meilleurs.

Cependant le duc de Mercœur supportait difficilement cette situation. N’ayant pu faire accepter aux habitans de Saint-Malo une garnison choisie par lui, il imagina de leur donner pour gouverneur son fils, qui venait de naître, en leur proposant de nommer eux-mêmes un lieutenant pour le jeune prince. Les Malouins reçurent cet honneur avec une reconnaissance respectueuse tout en remettant à en délibérer jusqu’à ce que l’enfant fût en âge. Atteint dans son autorité, blessé dans son orgueil, Mercœur prit le parti de s’approcher de Saint-Malo et vint s’établir à Dinan, où il manda les députés de la ville. Ceux-ci se rendirent près de lui au nombre de douze ; mais, la discussion ne tardant pas à s’échauffer, ces derniers se retirèrent en espérant une meilleure audience pour le