Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

On vient de constater que l’agriculture en Prusse a marché dans ces dernières années d’un pas si rapide que ce pays, si peu favorisé par la nature, s’est trouvé porté presque au niveau de la France avec son riche territoire, son beau climat et sa population si intelligente et si bien douée sous tous les rapports : Quelles sont les causes qui ont amené ce résultat ? Voilà ce qu’il faut examiner maintenant. La première, la principale, a ère indiquée par l’auteur dont nous invoquions le témoignage : c’est l’instruction largement répandue dans les campagnes. La connaissance des lois naturelles et économiques a opéré le miracle de la multiplication des produits ; cette action toutefois est insensible et lente. Dans le champ intellectuel, on sème aujourd’hui, on ne récolte que dans vingt ou trente ans ; l’effet se fait attendre. Il ne suffit pas que le paysan sache lire et écrire ; il faut qu’il lise, qu’il comprenne ce qu’il lit et qu’il apprenne à en tirer profit. Aux États-Unis, quelque découverte utile se produit-elle, au bout de deux ou trois ans elle est appliquée partout. L’année dernière, on y a vendu 70,000 machines à faucher. Combien en a-t-on placé en France et même sur tout le continent européen ? Une vive lumière ressort de ce simple chiffre. Il ne faut point s’étonner qu’une nation qui s’empare avec cette ardeur impatiente de tout ce qui peut abréger le travail et le rendre productif devienne en moins d’une génération l’état le plus riche, le plus puissant du globe.

La Prusse, à peine échappée aux entraves de l’ancien régime et à ses morbides influences, ne va pas aussi vite, il s’en faut, que la vigoureuse démocratie américaine ; mais elle a pris ses mesures pour regagner le temps perdu. Non contente d’ouvrir dans chaque village, dans chaque hameau, une bonne école, et de forcer les enfans à la fréquenter, elle a organisé un système complet d’enseignement agricole pour les différentes classes sociales qui sont appelées à diriger les travaux des champs. Au sommet et représentant l’enseignement supérieur, on trouve d’abord quatre académies royales d’agriculture, celles d’Eldena, de Proskau, de Poppelsdorf et de Waldau. En outre un institut agricole très fréquenté est attaché à l’université de Halle et un autre à celle de Berlin. Ces institutions sont destinées à des jeunes gens ayant quelque aisance et désirant apprendre à bien diriger un domaine soit comme régisseurs, soit comme propriétaires. Celle d’Eldena est peut-être la plus intéressante à visiter, et il peut être utile d’en faire connaître l’organisation.

L’école d’Eldena est établie dans un vaste bâtiment, ancien