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Avant tout néanmoins, je dois vous demander s’il n’est pas indiscret de vous déranger ainsi… Votre voiture est à la porte, et…

— Mon temps est, à la disposition du capitaine Kilsyth, interrompit Wilmot avec une affectation cérémonieuse qui ne lui était pas familière.

— Pardon, reprit son hôte… Nous sommes, vous et moi, au-dessus de ces vaines formules. Je viens vous parler sérieusement de choses sérieuses, sérieuses pour moi, plus sérieuses encore pour des êtres qui me sont chers… Êtes-vous en disposition de m’entendre ?

Il y avait dans ces quelques mots de quoi émouvoir profondément le jeune docteur. Il n’osa pas se risquer à y répondre autrement que par un geste et en désignant à Ronald le fauteuil où celui-ci pouvait s’installer.

— C’est en ami que je viens, reprit le capitaine Kilsyth, et après ce qui s’est passé hier chez, mon père cette déclaration vous surprend peut-être. Au risque de vous étonner encore davantage, permettez-moi de reconnaître que ma conduite envers vous n’a pas été ce qu’elle devait être… Je regrette d’avoir agi avec précipitation et d’une manière irréfléchie… Mes excuses vous sont dues. Je vous les apporte spontanément et en toute sincérité, m’assurant d’avance qu’elles seront bien accueillies.

— Elles le sont avec la même loyauté, la même sincérité que vous me les offrez, répondit Wilmot.

— Fort bien, reprit Ronald. Maintenant et sans aucunes de ces précautions oratoires auxquelles je ne m’entends guère, nous allons traiter, en gens d’honneur que nous sommes, un sujet qui pourrait être compromettant, s’il était en d’autres mains… Je ne présume rien, j’affirme. Votre conduite à Kilsyth est celle d’un homme d’honneur…

Wilmot ici, sous le regard scrutateur de Ronald, se sentit rougir malgré lui. Cette allusion aux souvenirs de Kilsyth le jetait dans une nouvelle anxiété. Il s’inclina simplement et demeura muet.

— Quelques mots d’abord sur ce qui me concerne, poursuivit son interlocuteur. Je serai bref, car le sujet n’a pas grande importance. Fort peu de gens me connaissent. Mes camarades eux-mêmes vous diront que je suis un excentrique. On ne sait que penser, assurent-ils, de mes préférences ou de mes antipathies. Il y a là quelque exagération. Je ne me connais d’antipathie pour personne. Quant à mes préférences, rien de plus simple. J’aime mon père, j’adore ma sœur Madeleine… Pour l’un et l’autre, je donnerais ma vie, et sans balancer. Voilà tout.

Ne comprenant pas où pouvait tendre cette profession de foi,