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augmentation si prodigieuse et si rapide du prix des immeubles sont multiples. La première est sans contredit le progrès de la culture, qui a considérablement accru la quantité des produits. En second lieu, ces produits se sont vendus plus cher, parce que l’argent a un peu perdu de sa valeur, que les frais de transport, supportés toujours par le producteur, ont été réduits, et qu’enfin le développement de l’industrie, en augmentant les profits des maîtres et les salaires des ouvriers, a ouvert à la production agricole de nouveaux débouchés à l’intérieur, les plus assurés, les plus vastes et les plus profitables qu’un pays puisse conquérir. Il faut ajouter que l’impôt n’est pas venu arrêter l’essor de la propriété immobilière. Quoique la contribution foncière ait été augmentée récemment d’environ 4 millions de francs, elle ne monte encore qu’à la somme de 10 millions de thalers pour les 28 millions d’hectares que comprenait l’ancienne Prusse, soit 1 franc 32 centimes par hectare. En France, elle s’élève à plus du triple de cette somme, différence qui paraît énorme, même en tenant compte de la fertilité plus grande du sol français. L’impôt foncier est le meilleur qui existe, car il n’a pas pour effet d’augmenter le prix des produits, et je ne crois pas qu’il soit trop élevé en France ; mais ce n’en est pas moins un grand avantage pour le propriétaire prussien de payer trois fois moins que le Français.

C’est surtout à l’accroissement du chiffre du bétail qu’on peut mesurer la prospérité agricole d’une contrée. D’abord les animaux domestiques livrent les produits les plus recherchés, ceux dont le prix s’élève le plus rapidement dans les sociétés avancées, c’est-à-dire, la viande, le lait, le beurre, le cuir, la laine ; ensuite c’est au moyen du fumier qu’ils laissent dans l’étable qu’on parvient à augmenter le rendement du sol. Le bétail donne à l’homme la nourriture la plus substantielle et à la terre le plus haut degré de valeur. Les recensemens officiels qui le concernent[1] permettent d’affirmer que l’agriculture prussienne n’a cessé de progresser depuis 1816, et que c’est durant ces dernières années que les améliorations les plus marquées ont été introduites. Pour qu’on puisse saisir ces résultats d’un coup d’œil, nous croyons nécessaire d’insérer ici le tableau suivant :

  1. Dans aucun pays, les statistiques concernant le bétail n’ont été publiées aussi régulièrement qu’en Prusse. C’est en Angleterre que, faute de documens antérieurs, il est le plus difficile d’établir des comparaisons. En France, il a été fait plusieurs recensemens, mais ou n’a pas jugé opportun de publier les derniers. En Belgique, le recensement de 1846 a été fait avec soin. Celui de 1856 a laissé à désirer, mais celui de 1866 promet de donner des résultats mieux contrôlés. La Saxe, le Wurtemberg, les Pays-Bas, publient aussi régulièrement des chiffres assez exacts.