Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les améliorations introduites dans la culture doivent se traduire par une hausse dans le prix des terres. C’est précisément ce qui a eu lieu en Prusse dans ces dernières années. Jusque vers 1840, la valeur des immeubles ne s’était guère relevée de la dépréciation dont les avaient frappés les guerres de l’empire et la crise du rachat des servitudes féodales. Les grains étaient à un bon marché inouï dans toute la Prusse orientale. De 1820 à 1830, le seigle s’est vendu en moyenne 6 francs l’hectolitre, de 1830 à 1840 8 francs environ. Le revenu des terres était presque nul ; tout le monde était dans la plus profonde misère. La crise n’épargnait même pas les grands propriétaires, M. de Lavergne-Peguilhen[1] a pu affirmer sans être contredit que, dans le gouvernement ! de Stettin, dont la situation est pourtant exceptionnellement favorable, sur 1,600 rittergürer, 1,300 étaient à vendre. La terre ne valait plus les lettres de gage qui représentaient l’hypothèque dont elle était grevée. Exproprier était souvent inutile ; on ne trouvait pas d’acheteurs. A mesure que les entraves de l’ancien régime disparurent et que les voies de communication s’améliorèrent, le prix des produits agricoles se releva. Le courage revint, on se mit à l’œuvre, et aujourd’hui la valeur des biens-fonds, a triplé. Cette hausse est si rapide qu’elle étonne même ceux qui la constatent dans les rapports officiels[2]. Ainsi dans le district de Posen le morgen se payait, il y a dix ans, 40 thalers ; en 1864, il se vendait sur le pied de 60 thalers, et du côté de Kosten et de Franstadt 70 et 78 thalers. Dans la province de Prusse, les estimations d’il y a quelques années portaient le prix du morgen à 35 thalers ; maintenant on parle de 100 thalers dans la région haute, de 120 thalers dans la région basse. En Lithuanie, de 30 thalers ion est passé à 50 et 60 ; même dans la Haute-Silésie, il n’y a rien au-dessous de 30 thalers, et les fermages des biens domaniaux au dernier renouvellement des contrats ont été doublés. Dans le Brandebourg, par suite de l’influence qu’exerce la proximité de Berlin, la hausse est encore plus rapide. Le prix de vente monte à deux, trois et quatre fois la valeur estimée lors de la constitution des hypothèques pour les lettres de gage. Dans les provinces occidentales, la hausse se produit aussi ; mais elle est moins énorme, parce que la situation agraire y était dès longtemps plus favorable. Les causes de cette

  1. Ce nom, en Prusse comme en France, a bien mérité de l’économie rurale. M. de Lavergne-Peguilhen, entre autres services rendus à l’agriculture de son pays, a présidé à l’amélioration de plus de 6,000 hectares de terres marécageuses, travaux considérables entrepris par différentes associations de propriétaires.
  2. Voyez le rapport de M. Salviati, secrétaire de la commission centrale d’agriculture. Jahres-Bericht des Kön. Landes-OEconomie-Kollegiun für das Jahr 1864.