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constitué en 1861 le personnel adonné aux travaux agricoles : d’abord 1,119,134 propriétaires et 60,644 locataires formant le groupe des entrepreneurs et comptant avec leur famille 6,149,462 individus ; ensuite 46,384 directeurs, chefs de culture, femmes de ménage, 558,424 domestiques, 500,500 servantes, 574,934 ouvriers, et 565,704 ouvrières, soit en tout 2,245,946 personnes employées au service des entrepreneurs de l’industrie agricole. Les provinces occidentales présentent de nouveau ici un contraste frappant avec les provinces orientales. Tandis que dans celles-ci on trouve trois salariés pour un maître, dans les autres on n’en compte qu’un seul. Le travail est donc exécuté pour la plus grande part d’un côté par ceux qui en retirent le profit, de l’autre par ceux qui doivent être indifférens aux résultats. Quoi d’étonnant que le produit brut à l’ouest soit le double de celui de l’est ?

Depuis 1816, le chiffre de la population rurale a augmenté dans toutes les provinces. Elle s’élevait à cette époque à 7,438,460, en 1849 à 11,714,285, en 1860 à 12,865,368. Celle des villes montait à cette dernière date à 5,611,132, de sorte qu’elle était inférieure au tiers de la population totale. L’accroissement dans les villes était un peu plus rapide que dans les campagnes. Pendant ces quarante-deux dernières années, d’un côté le chiffre de 1,000 âmes était monté à 1,817, de l’autre à 1,672 seulement, différence assez faible qui correspond à un phénomène observé partout et qu’explique l’amélioration des voies de communication. On sait qu’en France les résultats que présentent les mouvemens de la population sont loin d’être aussi satisfaisans[1], Le nombre total des habitans s’accroît très lentement, et celui des naissances diminue. C’est là, il est vrai, un phénomène auquel certains économistes applaudissent, qu’ils ont même appelé de leurs vœux et favorisé de leurs conseils ; mais le fait extrêmement grave et que nul ne considérera comme avantageux, c’est la dépopulation persistante des campagnes. Depuis 1846, elles ont perdu 749,044 habitans. Pendant la même période, la population rurale de la Prusse s’est accrue d’un million. Ainsi diminution d’un côté, augmentation de l’autre, tel est le résultat qu’il faut constater et qui est doublement fâcheux, soit qu’on considère les intérêts permanens de la paix, soit qu’on pèse les chances éventuelles de la guerre, car ce sont les campagnes qui produisent les denrées alimentaires, élément principal du bien-être des peuples, et ce sont elles aussi qui fournissent aux armées les soldats les plus sains, les plus robustes, les plus durs à la fatigue.

  1. Voyez entre autres dans la Revue du 15 mai dernier : Du mouvement de la population en France à propos de la nouvelle réorganisation de l’armée, par M. Léon Le Fort.