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celui de la chasse, qui, en sangliers, cerfs et chevreuils, s’élève, année moyenne, à 1,800 thalers. 518 personnes sont employées sur le domaine à l’exploitation rurale, à la verrerie, aux briqueteries et aux moulins ; avec leur famille, elles peuplent plusieurs petits villages. Le salaire n’est pas élevé. Aux ouvriers fixés sur la terre et qui ont une bonne maison, 1/2 hectare de terre, le droit de prendre de bois et de faire paître gratuitement une vache ou six moutons, on paie 62 centimes l’hiver, 74 centimes l’été. Les ouvriers étrangers ont 92 centimes l’hiver et 1 fr. 25 centimes l’été. C’est peu sans doute, mais c’est plus qu’en Belgique et en Hollande, où le travailleur rural ne gagne guère davantage, et où il paie toutes les denrées bien plus cher. En résumé, M. Sydow a supérieurement résolu ce difficile problème où tant d’autres ont échoué, et qui consiste à mettre en valeur une terre de mauvaise qualité, située dans une province écartée, loin des grands centres de consommation. Il l’a fait en créant le capital sur place par l’emploi judicieux de l’épargne et en transformant en produits industriels facilement transportables les produits bruts qui manquaient de débouchés. Nous n’aurions pas insisté sur ces détails, si l’on ne pouvait en tirer le plus utile enseignement. D’où vient que l’accroissement de la richesse a été beaucoup plus rapide en Prusse qu’en Autriche ou en Russie ? D’abord de ce que les lumières sont ici plus répandues, ensuite de ce que l’épargne y a créé plus de capital. Pour créer du capital, il faut ne pas consommer le produit net en jouissances personnelles ; il faut l’employer d’une façon reproductive en ouvrant des routes, des canaux, en construisant des machines, en bâtissant des fermes, en drainant la terre, en y appliquant des amendemens, des engrais, en y plantant des arbres, en exploitant des mines nouvelles, en élevant des usines, en faisant des travaux d’irrigation, en un mot en tirant parti de tous les dons naturels que le pays possède. Si celui qui a 100,000 livres de rente les consomme, le pays ne s’enrichit pas ; mais s’il vient à se contenter d’une dépense de 30,000 francs, et s’il emploie le surplus à améliorer sa propriété, il y aura épargne. L’année suivante, le revenu de ce bien sera plus grand, la production générale accrue, et la nation se trouvera enrichie. Qu’un grand nombre de ceux qui disposent du revenu net agissent ainsi, et la fortune nationale se développera rapidement. Si M. Sydow n’avait pas épargné et fait ensuite de son épargne un emploi intelligent, au lieu d’un magnifique domaine donnant un produit brut d’au moins 1 million, il y aurait une maigre lande peuplée de quelques pauvres paysans et d’une demi-douzaine de hobereaux relativement aussi misérables qu’eux. L’étranger se plaint ou se moque parfois de l’économie du Prussien ; il a tort. Cette vertu solide, dont les souverains ont toujours donné l’exemple, a été