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l’empereur Joseph II crut devoir donner le titre de seigneur de Kleefeld, c’est-à-dire du Champ-de-Trèfle, au propriétaire Schubart, qui avait contribué à introduire cette utile légumineuse en Autriche. Les droits féodaux rendaient impossible l’adoption d’un meilleur assolement, car il fallait respecter le privilège de la vaine pâture que le troupeau seigneurial exerçait sur les chaumes. Même après les réformes de Stein, les corvées furent maintenues. Les paysans devaient exécuter tout le travail agricole (Hand-und-Spanndienst) nécessaire pour mettre en valeur le domaine de leur maître, labourer, semer, récolter et transporter le blé sur leurs chariots, dans leurs propres sacs, jusqu’au marché voisin, souvent éloigné de dix ou douze lieues. Ces corvées ne furent définitivement abolies qu’en 1833, au moins dans la partie orientale du royaume. Il se peut que la valeur en argent de ces charges féodales fût inférieure au fermage que paie ailleurs le locataire ; mais un pareil régime abaissait le paysan, tuait en lui tout esprit d’initiative, toute aspiration vers un sort meilleur, et opposait ainsi un obstacle invincible aux améliorations. Sur les biens nobles exploités par leurs propriétaires, l’assolement alterne[1] est aujourd’hui généralement appliqué. Dans ces dernières années, les paysans ont commencé à l’adopter également. Cependant la province de Posen et celle de Prusse offrent encore par endroits l’ancien système triennal avec jachère complète la troisième année. Dans la partie occidentale de ces provinces et du côté de la Baltique, on arrive à l’assolement holsteinois avec ses quatre années consécutives de céréales suivies de quatre années de plantes fourragères et de pâturages. Vers la Russie, où la grande propriété domine, des distilleries nombreuses avec machines à vapeur ont été établies pour tirer de la pomme de terre un produit susceptible d’exportation.

En Poméranie, des progrès considérables se sont accomplis en peu de temps. L’assolement triennal a presque entièrement disparu, et l’on adopte une rotation où les plantes sarclées et les fourrages prennent la moitié de la superficie. Ayant plus de nourriture pour les bestiaux, les cultivateurs en ont augmenté le nombre. Ils en ont aussi amélioré la qualité en faisant venir des reproducteurs de la race d’Ayr et du Danemark. La stabulation permanente s’introduit, et on élève la vache hollandaise, qui donne tant de lait. Le

  1. L’assolement alterne consiste, on le sait, à ne jamais demander deux années de suite des céréales au même champ. Entre les soles de grains, on intercale des plantes sarclées comme la pomme de terre, le navet, la betterave, ou des plantes fourragères comme le trèfle, le lupin, le sainfoin, la luzerne. Les avantages de ce système sont considérables : on supprime la jachère, le sol se repose et se nettoie en portant des récoltes vertes, on peut nourrir plus de bétail, puisque la moitié de la superficie lui est consacrée, et on obtient tout autant de grains, parce qu’on fume deux fois plus la terre.