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les autres tendant tout simplement à refondre discrétionnairement la législation espagnole, Que dans cette voie, lorsque par exemple il serrerait de trop près la constitution, le ministère dût rencontrer quelques obstacles, qu’il dût trouver en face de lui non plus seulement des révolutionnaires, mais des hommes sensés, libéraux en toute sincérité, dévoués à la reine, c’était facile à présumer. Malheureusement le ministère était fort décidé à ne s’arrêter devant rien, à suivre son chemin jusqu’au bout, et à traiter comme de simples révolutionnaires tous ceux qui se croiraient encore en droit d’avoir une opinion autre que la sienne. Il avait engagé une lutte à outrance, et c’est là justement ce qui produisait au mois de décembre une crise pénible qui aurait pu aisément devenir le plus dangereux conflit.

Depuis quelques mois, le ministère, armé des pouvoirs qui lui avaient été légués par le général O’Donnell, déployait certes une hardiesse singulière. D’un trait de plume il avait abrogé les lois d’organisation provinciale et commnuale pour renouveler les députations des provinces et les municipalités, uniquement dans la pensée assez puérile de défaire ce que l’union libérale avait fait et de chasser les quelques progressistes qui s’étaient réfugiés dans ces modestes conseils. Il avait réformé par décret l’organisation de l’instruction publique, pour faire rentrer, disait-il, la moralité et la religion dans l’enseignement, parce qu’on avait trouvé un portrait de Garibaldi chez quelque instituteur trop au courant des choses du temps. Il avait fait tout cela et bien d’autres choses ; mais enfin, au point où on se trouvait, ce n’était que d’une importance secondaire. Il restait une question plus grave. La constitution fait une loi de réunir les cortès tous les ans. Or la session qui avait été interrompue au mois de juillet était celle de 1865. Les chambres n’avaient point été convoquées encore pour 1866, quelques jours restaient à peine avant la fin de l’année, et la question devenait d’autant plus pressante que les pouvoirs extraordinaires confiés au gouvernement n’avaient de valeur que jusqu’à la session la plus prochaine.

Qu’allait donc faire le cabinet ? Il ne disait rien, il ne se décidait ni à réunir les chambres, ni même, pour sauver au moins les apparences, à les dissoudre, un certain nombre de membres des assemblées qui se trouvaient à Madrid n’avaient point tardé pourtant à s’émouvoir, et sous l’inspiration du président du congrès, M. Rios Rosas, on avait même parlé d’adresser une pétition à la reine pour lui demander que la légalité constitutionnelle fût respectée. Cette pièce avait été effectivement déposée au congrès, où elle reçut la signature de cent vingt-huit députés, lorsque tout à coup, le 28