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coup, après une marche pénible, Médine apparaît à leurs yeux, Médine, où est le troisième temple de l’islamisme (les premiers étant ceux de La Mecque et de Jérusalem), Médine, où est le tombeau du prophète ! A la vue de la cité sainte et comme obéissant à un commandement, les pèlerins, quoique affamés et harassés de fatigue, mettent spontanément pied à terre et poussent de pieuses exclamations, presque toutes en l’honneur de Mahomet. « O Dieu, voici le sanctuaire du prophète ; fais que ce saint lieu soit pour nous une protection contre les flammes de l’enfer. — O Dieu, comble le dernier des prophètes de bénédictions aussi nombreuses que les étoiles du ciel, que les vagues de la mer, que les grains de sable du désert ! — Vis à jamais, ô le plus excellent des prophètes ; vis dans l’ombre du bonheur durant les heures de la nuit et les instans du jour, tandis que l’oiseau du tamarisque (la colombe) gémit comme la mère privée de son enfant, tandis que le vent d’occident souffle doucement sur les collines du Nedjd ; tandis que l’éclair brillant sillonne le firmament du Hedjaz ! » En entendant ces poétiques expressions que trouve l’Arabe quand il est sous l’empire d’un sentiment ou d’une passion, le jeune officier de l’armée des Indes avoue qu’il s’est laissé lui-même aller à l’émotion générale.

La visite à Médine n’est pas obligatoire pour celui qui veut mériter le titre de hadji ; mais, par suite du sentiment qui porte les Arabes et un peu les autres musulmans à invoquer les saints, la visite à Médine est au moins aussi honorée que celle à La Mecque. Les Mogrebins en particulier sont très attachés à cette dévotion. Ils sont attirés à Médine par le tombeau de l’iman Malek, fondateur de celui des quatre rites orthodoxes auquel ils appartiennent. Les nègres, peu monothéistes de leur nature, ont aussi un vrai culte pour la personne du prophète. Le tombeau de Mahomet est dans un édicule qui se trouve au centre d’une grande mosquée. Les tombes d’Abou-Becker et d’Omar sont tout près. On dit qu’un cénotaphe y attend Jésus, fils de Marie, après une nouvelle apparition sur la terre. Les cérémonies sont très simples. Purifié par une ablution complète, après avoir fait plusieurs prosternations et récité certaines prières, le pèlerin se place à une lucarne ouverte sur le tombeau, étend les bras et adresse à Mahomet cette invocation : « salut à toi, Mahomet ! salut à toi, prophète de Dieu ! » Il récite quelques-uns des surnoms de Mahomet, et chacun est précédé du « salut à toi ! » Il demande ensuite l’intercession du prophète dans le ciel, mentionne ses parens et amis, puis ajoute : « Détruis nos ennemis ; que les tourmens soient leur partage ! » Les mêmes cérémonies se répètent devant d’autres lucarnes qui laissent voir les tombeaux d’Omar et d’Abou-Becker. La dernière station est au