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que la principauté de Bretagne ne soit et ne demeure abolie pour le temps à venir, il a été accordé que le second enfant mâle ou les filles à défaut des mâles qui isseront de ce mariage seront et demeureront princes de Bretagne pour en jouir et user comme ont coutume de faire les ducs, en faisant par eux aux rois les redevances accoutumées. » Si le vote de l’union n’était venu changer le cours régulier des choses, à la mort de François Ier la souveraineté de ce pays aurait donc reposé sur la tête de la reine Claude, fille aînée d’Anne de Bretagne ; en cas de prédécès de celle-ci, elle aurait passé sur celle de son second fils, et à défaut d’un second héritier mâle sur celle de sa fille Marguerite, duchesse de Savoie. Les états de Bretagne auraient eu le droit évident de se joindre à cette princesse pour réclamer l’exécution du contrat, dont toutes les stipulations avaient été combinées par la reine Anne de manière à rendre dans l’avenir la séparation inévitable. Après les descendans de la reine Claude, Renée, duchesse de Ferrare, sa sœur, était en mesure de se présenter, et son droit n’était méconnu par aucun contemporain. De plus les descendans de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre avaient formellement réservé leurs prétentions, et celles-ci étaient alors jugées assez sérieuses pour que trois ans après l’union François Ier estimât prudent de les éteindre en les achetant[1]. Aux états de Vannes, la Bretagne céda donc à la couronne un droit qui n’était alors contesté par personne ; ce pays put donc imposer des conditions à une cession aussi profitable à la monarchie, et celle-ci se trouvait manifestement obligée vis-à-vis des populations bretonnes par tous les principes du droit international.

L’union modifia peu le gouvernement qui régissait la Bretagne. Le duc d’Estampes, issu de la maison de Brosse-Penthièvre, gouverna prudemment ce pays sous Henri II comme sous François Ier, et les franchises bretonnes paraissent avoir été à cette époque généralement respectées. Les trois ordres étaient ordinairement réunis chaque année à Rennes, à Nantes, à Vannes ou à Vitré. Cette réunion était provoquée par des lettres patentes du roi adressées au gouverneur, lettres énonçant avec le nom des commissaires royaux les questions principales sur lesquelles le monarque appelait l’attention de l’assemblée ; elles indiquaient aussi le plus souvent le chiffre du don que réclamait le roi du dévouement des états, chiffre qui variait chaque année avec les circonstances politiques que ses commissaires avaient mission d’exposer. Ces lettres étaient communiquées par le gouverneur aux évêques et aux abbés formant le premier ordre, aux barons et aux gentilshommes auxquels leur

  1. Traité de Crémieu du 23 mars 1535.