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semblait incompatible avec cette centralisation administrative que la couronne prétendait imposer comme complément à l’unité politique !

Depuis le ministère de Colbert, le contrat d’union négocié aux états de 1532 apparut sous l’aspect d’un traité humiliant signé par la royauté. Subordonner à la délibération et au vote régulier d’une assemblée représentative l’octroi périodique des subsides et l’établissement de l’impôt était d’ailleurs impossible pour Louis XIV, qui avait fait de la guerre de conquête et des grands travaux publics le double ressort de son gouvernement. Les intendans et les gouverneurs s’inspirèrent d’un bout à l’autre du royaume des idées dominantes à la cour, idées qui avaient donné à la France une constitution militaire si forte en lui préparant un tempérament politique si faible. Le duc de Chaulnes parut aux états de Bretagne dans la même attitude que son jeune maître au parlement de Paris, et les exigences financières sans cesse croissantes provoquèrent des bords de la Loire au fond de la Cornouaille un soulèvement général, suivi d’une répression atroce, dont les détails ont échappé à l’histoire. Un seul résultat est demeuré constaté par celle-ci, c’est qu’après l’insurrection de 1675 le silence se fit dans cette province comme dans les autres, de telle sorte que l’autorité royale, dégagée de toute résistance, ne put désormais imputer ses embarras qu’à ses propres fautes.

Le grand roi, qui avait fait payer si cher à la France la gloire dont il l’avait comblée, reposait à peine dans sa tombe que les Bretons revendiquaient sous la régence des droits dont ni les cœurs ni les consciences ne s’étaient détachés un moment. Une fois encore la répression fut sanglante ; mais le pouvoir était alors trop affaibli par le cours tout nouveau imprimé à l’opinion pour rester longtemps redoutable, lors même qu’il parlait du haut d’un échafaud. Durant le règne de Louis XV, les états engagèrent contre les édits royaux et les arrêts du conseil une lutte très vive, quoique respectueuse. Commencée sous le gouvernement du maréchal de Montesquiou, cette lutte continua sous celui du maréchal d’Estrées pour prendre sous le duc d’Aiguillon toute la véhémence et parfois aussi toute l’injustice qui caractérisent les querelles de partis. Les passions parlèrent assez haut pour faire taire les intérêts, les questions de choses disparurent devant les questions d’hommes, et l’on finit par poursuivre la victoire sans s’inquiéter du prix auquel on pouvait la remporter. Les états de Bretagne, adversaires d’autant plus dangereux qu’ils ignoraient la portée de leurs coups, firent à la monarchie des blessures profondes en conservant la plénitude de leur dévouement à la royauté, que leurs membres servaient