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représentant officiel près de la cour des Tuileries, se mit à le considérer et à le traiter comme étant l’agent de l’empereur des Français plutôt que le sien propre. En cela, le Vatican ne se trompait guère. Telle avait toujours été la pente naturelle du cardinal Caprara. A l’époque dont nous nous occupons, son zèle à seconder sans réserve toutes les vues de Napoléon était arrivé à son comble. Ce n’avait pas été sans utilité pour sa politique qu’au moment où tant de magnifiques apanages ecclésiastiques s’étaient trouvés à sa disposition Napoléon avait doté l’ambassadeur de sa sainteté du riche évêché de Milan, et fait ainsi de lui un évêque français, son sujet et son obligé. Quand les devoirs résultant de cette double situation le sollicitaient à la fois dans des sens trop opposés, les hésitations de Caprara devaient être pénibles à sa conscience, et le combat devait être fort rude à soutenir. L’issue en fut toujours celle qu’avait prévue l’empereur. Le représentant du saint-siège finissait immanquablement par incliner du côté de l’homme extraordinaire pour lequel il éprouvait (toute sa correspondance en fait foi) la plus vive et la plus sincère admiration, qui voulait bien à son tour lui accorder quelque amitié, et savait même, quand il était content des services de son archevêque de Milan, les reconnaître aussitôt par de sensibles marques de sa munificence. La récompense suivit de près cette fois les bons procédés dont le cardinal Caprara avait usé envers le chef de l’empire français. C’était le 11 mars 1806 que M. Portalis avait mandé à l’empereur l’approbation donnée par le légat à la septième leçon du quatrième commandement ; le 23 mars de la même année, douze jours après, l’empereur écrivait au prince Eugène : « J’achèterai volontiers à Caprara son palais de Bologne ; quand il me coûterait quelques centaines de mille francs de plus, j’en ferai le sacrifice pour retirer Caprara de l’abîme où il est. Chargez mon intendant de traiter de cet achat, que je ferai payer en plusieurs années en donnant des sûretés aux créanciers. Je connais tous les défauts de Caprara, je vous le recommande ; c’est un des premiers et des plus constans amis que j’aie eus en Italie[1]… »

Tout n’était pas fini toutefois. On n’était encore qu’aux premiers jours de mai, le catéchisme nouveau avait été solennellement annoncé, il était universellement attendu ; mais on ne le voyait point faire son apparition officielle. Pourquoi ce nouveau retard ajouté à tant d’autres ? Ici se place un dernier épisode qui achève de donner son véritable caractère aux rapports alors existans entre l’empereur et les membres du clergé français. Nous le raconterons rapidement, non sans entrer toutefois dans quelques détails absolument nécessaires, car il est par lui-même tout à fait instructif.

  1. Lette de l’empereur au prince Eugène, 23 mars 1806.