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Portalis ne l’entretient pas d’autre chose. Voici d’ailleurs sa lettre, datée du 13 février 1806 :


« Sire, votre majesté avait pensé que la rédaction d’un catéchisme uniforme pour toute la France, ordonnée par la loi du 18 germinal an X, devrait être encore différée. Cette intention de votre majesté me fut manifestée avant la constitution de l’empire français. Dans ce moment, ces institutions se trouvent établies, et tous les Français ont le bonheur de vivre sous les lois du plus grand des souverains. J’ai donc pensé que le temps était venu de remettre sous les yeux de votre majesté la partie du catéchisme relative aux devoirs de tout sujet envers son prince. Déjà on avait présenté, avant le nouvel ordre de choses, divers articles sur cet objet. Ces articles parlaient vaguement de la soumission que l’on doit aux puissances et aux chefs des états d’après la doctrine évangélique ; mais il me semble que ces généralités ne suffisent plus. Il s’agit d’attacher la conscience des peuples à l’auguste personne de votre majesté, dont le gouvernement et les victoires garantissent la sûreté et le bonheur de la France. Recommander en général la soumission des sujets à leur souverain, ce ne serait pas, dans l’hypothèse présente, diriger cette soumission vers son véritable but. Le précepte général peut suffire dans les temps ordinaires et quand on vit sous un ordre de choses qui existe depuis longtemps ; mais aujourd’hui le mot souverain n’est qu’une expression vague dont chacun pourrait arbitrairement faire l’application selon ses intentions et ses préjugés. J’ai donc cru qu’il était nécessaire de s’expliquer franchement et de rapporter le précepte d’une façon précise à votre majesté. Cela ôte toute équivoque en fixant les cœurs et les esprits sur celui qui peut seul et doit réellement fixer les esprits et les cœurs… »


Le soin « de diriger la soumission des Français » vers l’empereur n’avait pas seul occupé l’intelligence si prévoyante de M. Portalis, il se demandait s’il ne faudrait pas aussi parler de l’obéissance qui serait également due aux successeurs légitimes de Napoléon ; mais Napoléon n’avait encore aucune idée précise sur le choix de ses futurs successeurs. Personne n’aime d’ailleurs beaucoup qu’on l’entretienne des intérêts de ses héritiers possibles. M. Portalis glisse légèrement sur ce sujet.


«…. Votre majesté prononcera, dit-il, et ses intentions seront accomplies. Dès que votre majesté aura fait connaître ses intentions, l’ouvrage marchera promptement. J’ai l’honneur de la prévenir que M. le cardinal-légat est déjà nanti de tous les pouvoirs nécessaires pour consacrer le nouveau catéchisme[1]. »

  1. Lettre de M. Portalis à l’empereur, 13 février 1806.