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ne manqua point sans contredit de parler avec son autorité accoutumée de l’inconvénient résultant en matière de foi de la multiplicité des catéchismes, qui en France variaient fréquemment d’un diocèse à l’autre. Il prenait soin de constater, ce qui était exact, que l’ancien catéchisme de Bossuet avait principalement dirigé le travail des nouveaux rédacteurs. Il ajoutait, ce qui cessait d’être aussi vrai, que l’ouvrage de ceux-ci n’était, à proprement parler, qu’un second exemplaire de l’ouvrage de Bossuet. Il plaçait donc avec confiance le nouveau catéchisme sous la protection du nom « de ce prélat fameux dont la science, les talens et le génie ont, disait-il en terminant, servi l’église et honoré la nation, et ne s’effaceront jamais de la mémoire des Français. La justice que tous les évêques de la chrétienté ont rendue à la doctrine de ce grand homme nous en garantit suffisamment l’exactitude et l’autorité[1]. » Telles étaient les considérations que M. Portalis avait l’art de présenter au public dans ce langage noble, coulant, un peu pompeux, qui lui était propre. Ce n’était pas la première fois qu’à l’aide de sa facile éloquence le ministre des cultes faisait ainsi passer en France des choses dont la cour de Rome était bien loin d’être satisfaite. Pie VII, qui aimait M. Portalis à cause de sa sincère piété, était en même temps un peu effrayé de la supériorité que son habileté à bien dire lui donnait sur le pauvre légat, auquel il persuadait assez facilement tout ce qu’il voulait : Questo ministro dell’ imperatore e veramente il più gran parlatore del mundo, disait parfois Pie VII. Lorsqu’il vient à correspondre particulièrement avec l’empereur, M. Portalis a soin de laisser de côté les phrases à effet sur les avantages précieux qui résulteraient pour la religion de l’adoption d’un seul catéchisme dans toute la France. Il n’est pas davantage dans sa lettre question de Bossuet, non plus que de la prétendue identité qui existerait entre le travail de la commission qui a été présidée par le ministre des cultes et l’ouvrage sorti des mains du grand évêque de Meaux. En ministre avisé d’un prince dont le temps est précieux, qui n’aime pas les déclamations, peut-être parce qu’il y est passé maître, M. Portalis se borne à appeler son attention sur les passages qui regardent directement son pouvoir et sa personne. Dans cette rédaction du nouveau catéchisme, une seule chose semble importer véritablement : c’est la façon dont, à propos du quatrième commandement de Dieu, on y traitera des devoirs des sujets envers leurs souverains. Jadis on ne désignait pas nommément le prince à l’affection et au respect de ses peuples. N’y a-t-il pas des raisons sérieuses pour déroger à cette règle au profit de l’empereur ? M.

  1. Rapport de M. Portalis à l’empereur sur le catéchisme de 1806.