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de notre langue, s’acquitta, paraît-il, assez mal de sa tâche. Son ouvrage n’était pas acceptable ; grand fut l’embarras de l’empereur. Ce fut l’abbé Émery qui l’en tira. Des personnes auxquelles le ministre des cultes, M. Portalis, l’avait communiqué ayant critiqué sévèrement devant l’abbé Émery le manuscrit du théologien italien et raconté comment le chef de l’état en était lui-même très peu satisfait : « Si j’étais à sa place, dit le supérieur-général de la congrégation de Saint-Sulpice, je prendrais purement et simplement le catéchisme de Bossuet. On déclinerait par là une immense responsabilité[1]. » Cette idée frappa Napoléon. Bossuet, ainsi que nous l’avons déjà dit, était alors en grande faveur auprès de lui, surtout à cause de l’appui qu’il avait jadis prêté à Louis XIV dans ses différends avec le pape Innocent XI. M. Portalis reçut donc ordre de faire rédiger le catéchisme nouveau sous ses yeux, d’accord bien entendu avec le cardinal Caprara, mais par une commission composée exclusivement d’ecclésiastiques français. Ces messieurs eurent pour instructions de reproduire autant que possible le texte primitif dû à l’ancien évêque de Meaux, car la teneur du catéchisme de ce diocèse, avait été, depuis la mort de ce glorieux prélat, légèrement modifiée, en ce qui regardait du moins l’article relatif à l’église, par l’un de ses successeurs, le cardinal de Bissy. La commission au sein de laquelle M. Portalis fit entrer son neveu, l’abbé d’Astros, dont le nom reviendra dans le cours de ce récit, suivit exactement les instructions de Napoléon. Ses travaux préliminaires étaient à peu près terminés vers les derniers mois de l’année 1803 ; mais à cette époque une certaine incertitude régnait dans les projets du chef de l’état. Il venait d’être nommé consul à vie. Cette position intérimaire était loin de lui convenir ; il méditait de se faire bientôt nommer empereur. Rien ne lui parut donc plus naturel et plus opportun que de différer la publication du catéchisme jusqu’au moment où, définitivement monté sur le trône, il saurait au juste à quel titre il devait réclamer l’obéissance des Français. Il n’y a pas lieu de se le dissimuler en effet, le catéchisme en question n’avait de valeur aux yeux de celui qui en avait prescrit, puis suspendu l’achèvement, qu’en raison du parti qu’il espérait en tirer afin d’asseoir plus solidement sa domination, afin de faire religieusement et dogmatiquement consacrer son autorité souveraine sur les prêtres de tout âge qui allaient enseigner et sur les jeunes générations qui allaient désormais apprendre ce nouveau formulaire.

À ce sujet, nul doute n’est permis. Dans le rapport destiné à la publicité qui parut en même temps que le catéchisme, M. Portalis

  1. Histoire de Mgr d’Aviau du Bois de Sanzay, par M. l’abbé Lyonnet ; Paris 1847.