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tous les diocèses de France. Ce qu’elle ne savait point, ce que nous sommes en mesure d’établir, c’est que ce chapitre, qui a trait aux devoirs des sujets envers le souverain, a été rédigé tel quel par l’empereur lui-même en collaboration avec le cardinal-légat Caprara malgré l’invitation formelle et plusieurs fois réitérée que celui-ci avait reçue de Rome de ne se prêter jamais à rien de semblable. Cet épisode, l’un des plus singuliers parmi ceux qui ont marqué les rapports de l’empereur Napoléon Ier avec l’église romaine, est si peu connu, qu’il nous faut nécessairement entrer à ce sujet dans le détail même des faits. Avant de les raconter, et pour mieux montrer ce qu’il y a de vraiment extraordinaire à voir le chef de l’empire français usurper ainsi sur les fonctions les plus sacrées de l’épiscopat, il nous faut, par une dernière citation, constater quelle était à ce moment, c’est-à-dire au commencement de 1806, sa façon de s’exprimer au sujet de la religion et des prêtres. C’est à sa sœur la princesse Élisa que sont adressés les épanchemens de famille de cet étrange catéchiste. « Ma scieur, lui écrit-il le 17 mai 1806, n’exigez aucun serment des prêtres. Cela n’aboutit à rien qu’à faire naître des difficultés. Allez votre train et supprimez les couvens. » Le 24 mai, il reprenait : « Le bref du pape n’est rien tant qu’il restera secret dans vos mains. Ne perdez pas un moment, une heure, pour réunir tous les biens des couvens au domaine… Ne vous mêlez dans aucun dogme. Emparez-vous des biens des moines, c’est là le principal, et laissez courir le reste[1]… »


II

L’article 39 de la loi du 18 germinal an X (cette loi n’est autre que la réunion des articles organiques précédés du texte du concordat) disait, paragraphe 1er du titre III relatif au culte, qu’il n’y aurait plus qu’une liturgie et un catéchisme pour toutes les églises de France. Ainsi que nous avons pris soin de l’établir précédemment,[2], les articles organiques, quoique publiés le même jour dans la même forme et confondus à dessein avec les articles du concordat, n’avaient été l’objet d’aucun arrangement particulier, ni même d’aucune discussion préalable entre le saint-siège et le gouvernement français. Peut-être nos lecteurs se souviennent-ils comment, par l’habile rédaction de quelques-uns des articles organiques, le premier consul avait su reprendre en réalité et dans la pratique ce

  1. Lettres de l’empereur à la princesse Élisa, du 17 et du 24 mai 1806. — Correspondance de l’empereur Napoléon Ier, t. XII.
  2. Voyez la Revue du 15 septembre 1866.