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Cette maxime sommaire qu’il entendait imposer aux autres n’était point, paraît-il, à son usage, car il venait, justement dans les premiers mois de cette année 1806, de s’occuper très activement des affaires de l’église, et cela pour régler le nombre, la nature et l’ordre des cérémonies du cultes. « On pourrait, écrivait-il à M. Portalis, en rappelant la nécessite de consacrer les époques solennelles et de diminuer cependant le nombre des fêtes, qui distraient le peuple de ses travaux, proposer deux fêtes : 1° pour le 15 août, celle de la Saint-Napoléon, qui consacrerait à la fois l’époque de la naissance de l’empereur et celle de la ratification du concordat. À cette fête se joindraient les actions de grâce pour la prospérité de l’empire. On chercherait à donner à la procession qui continuerait à se faire ce jour-là un caractère propre à effacer les anciens souvenirs. 2° Le premier dimanche qui suivra le jour correspondant au 11 frimaire, on célébrerait en même temps les succès de la grande armée et l’époque du couronnement. Dans les discours que ferait un membre du clergé, on parlerait particulièrement des citoyens de la commune qui seraient morts à la bataille d’Austerlitz[1]. » Les anciens souvenirs qu’il s’agissait d’effacer étaient ceux de la fête de l’Assomption et, si nous ne nous trompons, du vœu par lequel le roi Louis XIII avait jadis placé la France sous la protection particulière de la sainte Vierge. Le cardinal-légat Caprara entra dans cette idée avec chaleur, au point de s’attirer pour les excès de son zèle les sévères réprimandes du saint-siège. M. Portalis mit toute sorte d’empressement à rédiger le prospectus (sic) de la fête. Dans une lettre qu’il adressa aux évêques et qui portait au bas cette annotation : « pour vous seul, » il n’oublia point d’avertir l’épiscopat entier que le gouvernement souhaitait avant tout qu’on évitât de rappeler ce qu’il nommait, lui aussi, « les souvenirs inutiles. » « Les cérémonies marquées dans le prospectus devaient, disait-il, tout remplacer. » La plupart des évêques ne laissèrent point échapper une si belle occasion de faire montre de leur dévotion enthousiaste pour saint Napoléon. De tous les diocèses de France arrivèrent au ministère des cultes les prières les plus instantes afin d’être autorisés à dédier des chapelles au bienheureux qui avait eu la bonne fortune de donner son nom au chef de l’état. A Nancy, M. d’Osmond, qui était un grand seigneur de l’ancien régime autrefois émigré en Angleterre avec les princes de Bourbon, se dépêcha d’inviter tous les hommes et tous les jeunes gens de toutes les paroisses de son diocèse à former le plus tôt possible de pieuses associations sous le nom de ce grand saint. « A

  1. Note pour le ministre des cultes. Correspondance de Napoléon, Paris, 12 février1806.