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plus singulières leçons de gouvernement. « Puisque vous voulez, lui écrivait-il, que je vous parle de ce qui se fait à Naples, je vous dirai que je n’ai pas été content du préambule de la suppression des couvens. Pour ce qui regarde la religion, il faut que le langage soit pris dans l’esprit de la religion et non dans celui de la philosophie. C’est là le grand art de celui qui gouverne… Le préambule de la suppression des moines aurait été bien, s’il avait été dans le style des moines… Je vous dis cela comme principe général… Les hommes supportent le mal lorsqu’on n’y joint pas l’insulte… Vous savez d’ailleurs que je n’aime pas les moines, car je les ai détruits partout[1]. » Napoléon n’avait pas contre les cardinaux et les évêques cette répugnance instinctive qu’il n’a pas cessé de manifester en effet contre les ordres religieux, dont il a presque toujours parlé comme étant à tout le moins fort inutiles. Il nous est pourtant facile de voir par des lettres adressées à un autre membre de sa famille, le prince Eugène, vice-roi d’Italie, quelle sorte de qualité il appréciait avant tout chez les personnages qu’il destinait à occuper dans la hiérarchie ecclésiastique ces positions éminentes qui pouvaient exercer à son profit ou à son détriment une si grande influence. « Mon fils, lui écrit-il, faites-moi connaître votre opinion sur les remplacemens à faire des évêchés vacans. Il faudrait y nommer des prêtres qui me fussent très attachés, sans aller chercher de vieux cardinaux qui dans des événemens ne nous seconderaient pas[2]. »

C’était afin d’être bien secondé dans sa tâche de chef de gouvernement, c’était pour se mieux ménager l’appui si utile à ses yeux des membres de l’épiscopat, qu’après chacune des victoires remportées sur ses ennemis, quels qu’ils fassent, l’empereur n’avait rien de plus pressé que d’écrire aux archevêques et aux évêques de son empire et de leur demander dans les termes les plus édifians de vouloir bien remercier en son nom le Dieu des batailles de la protection éclatante qu’il avait daigné accorder à l’effort de ses armes[3]. Ces Te Deum étaient en général accompagnés soit d’un discours prononcé par l’évêque dans sa cathédrale, soit d’un mandement qu’il adressait à tous les curés du diocèse. Le ministre des cultes, parfois l’empereur lui-même, ne dédaignaient pas de fournir en de pareilles occasions le canevas des discours ou des mandemens épiscopaux. les Russes étaient-ils pour le moment les adversaires de l’empereur, on ne manquait pas d’insister sur les croyances schismatiques de ce peuple qui ne reconnaissait pas la

  1. lettre de Napoléon au roi de Naples, Finkestein, 14 avril 1807.
  2. Lettre de l’empereur Napoléon Ier au prince Eugène, Paris, 17 février 1806.
  3. Voyez les lettres de l’empereur aux archevêques et évêques de son empire en date des 18 octobre, 3 décembre 1805, 31 décembre 1806,17 juin 1807.