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Palestine et de la garde royale de Cléopâtre, une troupe de quatre cents soldats gaulois que la reine faisait recruter avec soin parmi nos ancêtres, ce qui prouve en faveur de la belle tournure qu’ils avaient déjà sous les armes. Depuis lors il y eut au temple de Jérusalem une prière quotidienne pour le salut de l’empereur.

Hérode, à partir de ce moment (an 30 avant Jésus-Christ), put régner sans autre souci que celui de l’intérieur. Sa politique fut de tout faire pour rester en bons termes avec Auguste, tout en tâchant de cultiver les sympathies de son peuple dans l’intérêt de sa dynastie. C’était une tâche ardue. Pour rester l’allié de l’empereur, il fallait être son humble serviteur ; pour se faire bien venir du peuple juif, il fallait faire montre d’indépendance. L’ensemble de ses actes suppose en effet cette politique en partie double. Il aurait voulu sans doute adoucir les rugosités de la nation juive, lui donner le goût de la civilisation gréco-romaine, sans tomber toutefois dans la faute d’Antiochus. Il connaissait son peuple juif. Il savait jusqu’à quel point précis il pouvait lui imposer sa volonté sans le pousser à la révolte désespérée. Il entendait bien maintenir le judaïsme comme religion, il en professait lui-même la doctrine, il s’efforçait d’acheter la bienveillance du parti religieux en prenant en main la cause des Juifs dispersés en Asie et en Europe. En un mot, je crois que le fond de sa pensée était que pour le moment l’alliance étroite avec Rome devait tout primer, mais que pour l’avenir il fallait établir une solidarité étroite entre sa maison et la nation. Que ce calcul ait échappé à ses contemporains, cela n’a rien d’étonnant quand on pense qu’il réussit à le celer aux yeux pénétrans d’Auguste. Une dynastie a toujours son idée et la doit ordinairement à son fondateur, quand ce fondateur a du génie. Si cette dynastie dure, il n’est pas difficile de démêler cette idée en examinant la direction constante des efforts, des visées, des habiletés et des maladresses de ceux qui la représentent. Eh bien ! quand on applique ce principe expérimental à l’histoire de la dynastie des Hérodes, on est très tenté d’admettre que leur ambition fut de fonder un empire oriental dont le noyau eût été ce solide petit peuple qui persistait si bien à rester lui-même au milieu de la décomposition des nationalités. Hérode avait vu assez de révolutions romaines pour douter de la stabilité indéfinie du pouvoir impérial, et il n’est pas probable qu’il eût pénétré les raisons supérieures qui assuraient au contraire une très longue durée à l’œuvre de César et d’Auguste. D’ailleurs il faut bien se rappeler que l’Orient n’était pas purement et simplement annexé à l’empire au même titre que l’Espagne ou la Gaule. Il y avait encore à cette époque un assez grand nombre de principautés ou royautés vassales, alliées ou tributaires de l’empire, officiellement