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Les Évangiles ne parlent pas des esséniens, non plus que des autres branches du pharisaïsme hillélite ou schammaïte ; ils parlent aussi très peu des sadducéens, dont l’influencé était nulle au sein des classes inférieures ; mais la polémique anti-pharisienne de Jésus implique le fait, que d’ailleurs tout confirme, que le peuple juif était alors en majorité, surtout dans la classe moyenne, tout imprégné de pharisaïsme, et c’est là le fait essentiel qu’il s’agissait de mettre en pleine lumière, car il éclaire à son tour toute l’histoire qu’il nous reste à raconter.


IV

Hérode, fils d’Antipater, est un de ces hommes qui jettent un défi irritant à ceux qui aiment à pénétrer la pensée intime des grandes figures de la scène historique. Tantôt on serait tenté de le prendre pour un très grand homme, tantôt on ne voit plus en lui qu’un habile, mais méprisable joueur, trop favorisé de la fortune. Peut-être faudrait-il le ranger dans le nombre des hautes intelligences trahies par un abominable caractère. On va voir si ce jugement sommaire est bien ou mal fondé.

On se rappelle que son père Antipater avait dû à la faveur de César d’être confirmé dans le pouvoir de fait qu’il exerçait en Judée. sous le nom du faible Hyrkan II. Encore très jeune Hérode fut préposé par lui à la Galilée, et peu de temps après il vint à bout, avec autant d’habileté que d’énergie, d’une bande de zélotes qui s’était réunie sous les ordres d’un certain Ezéchias. Au mépris des lois, il fit exécuter sans aucune forme de procès le chef et ses partisans. Le peuple, qui détestait l’Iduméen, fut exaspéré, et Hyrkan fut moralement forcé de le citer devant le sanhédrin. Au jour fixé, le jeune insolent comparut en habits de pourpre, entouré de ses gardes et jetant des regards moqueurs sur la vénérable assemblée, qui ne montra pas une fermeté digne de la situation. Hyrkan surtout prit peur, fit ajourner la séance, et pendant la nuit envoya l’accusé à Damas, où il fut reçu à bras ouverts par son ami Sextus