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pharisien nommé Éléazar prit la parole et lui reprocha d’occuper, au mépris de la loi, le souverain pontificat : il avait découvert en effet que le prince était né d’une mère faite prisonnière à Modin par les Syriens quelque temps avant sa naissance, et la loi interdisait les fonctions sacerdotales au fils d’une captive. Hyrkan, vivement blessé, se contint et promit de faire une enquête. Le fait allégué se trouva faux, et Éléazar fut cité devant le sanhédrin comme menteur et calomniateur. Le prince s’attendait à ce que le tribunal infligerait au coupable une punition proportionnée à l’insulte qu’il en avait reçue ; mais les pharisiens, en grande majorité dans la haute assemblée, voulurent épargner un des leurs, et Éléazar ne fut condamné qu’à une peine alors considérée comme légère, la flagellation. Hyrkan, à partir de ce moment, pensa qu’il n’y avait plus moyen de se fier à un parti aussi peu dynastique, et il chassa les pharisiens de tous les emplois qu’ils occupaient au temple et dans le sanhédrin. Ce fut un vrai coup d’état dont les conséquences furent très graves : la royauté théocratique se montrait impuissante à vivre en bons termes avec le parti théocratique ! C’est ainsi que l’antagonisme latent du principe religieux et du principe politique se révéla au milieu même des succès éclatans qui en avaient signalé la réunion momentanée.

Nous passerons plus vite sur les règnes qui succèdent à celui de Hyrkan, mort en 106. Son fils et successeur, Juda Aristobule Ier, ne régna guère plus d’un an, médiocrement aimé du peuple, jaloux et persécuteur de ses frères, sacrifiant beaucoup aux muses et aux grâces helléniques. C’est lui qui le premier prit ostensiblement le titre de roi et fit frapper des monnaies avec inscription grecque. il eut toutefois le temps de subjuguer l’Iturée et, conformément à la politique de son père, d’imposer le judaïsme à ses nouveaux sujets.

Son frère, Alexandre Jochanan et par abréviation Jannaï, tâcha de se réconcilier avec le parti pharisien. Ses efforts n’aboutirent à » rien. Lui aussi aimait à helléniser. Son humeur belliqueuse, associée à des talens politiques et stratégiques des plus médiocres, attira sur le pays juif de sérieux désastres. des émeutes sanglantes, fomentées par le parti pharisien, ne purent être réprimées que par les troupes mercenaires. C’est en vain qu’il redoubla de prévenances pour les puritains, ceux-ci ne voulurent rien entendre, et dans un moment de véritable frénésie ils allèrent jusqu’à rappeler les Syriens. Ce fut une faute énorme. L’horreur du Syrien, les vieilles sympathies pour la maison asmonéenne, étaient encore vivaces. L’opinion se déclara cette fois contre les pharisiens, et Jannaï crut pouvoir s’en débarrasser à tout jamais : il en fit crucifier huit cents