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réveillait les vieux fermens républicains, toujours logés au fond de la conscience Israélite. Ils trouvaient que les impôts étaient fort lourds, l’état militaire aussi ruineux qu’inutile, que la loi était à chaque instant violée, que la nation se souillait de plus en plus par le contact avec les impudicités païennes, et ainsi se forma le parti de ceux qui se mettent à l’écart ou des pérushim (pharisiens), c’est-à-dire de ceux qui se séparent de la multitude, dont ils blâment la vie anormale, pour se retrancher derrière des observances préservatives de la pureté légale. Comme de coutume, la foule, qu’ils censuraient du haut de leur sainteté supérieure, les appuya de ses sympathies, parce qu’au fond sa conscience était avec eux, et le parti pharisien fut presque toujours et jusqu’à la fin le parti populaire. La tendance rivale, le sadducéisme[1], se recruta presque exclusivement dans les hautes classes et compensa ainsi l’infériorité du nombre par son influence à la cour, à l’armée, dans le haut clergé et souvent même dans le sanhédrin.

C’est sous le règne extérieurement si prospère d’Hyrkan Ier que l’antagonisme des deux partis commença à se dessiner, non sans susciter de sérieuses difficultés au prince asmonéen ; mais pendant longtemps il eut l’art de les équilibrer l’un par l’autre et de les rattacher tous deux à sa personne. Il confia aux sadducéens les grades de son armée, le prélèvement des taxes, les missions diplomatiques, tandis qu’il laissa aux pharisiens l’administration du temple, la justice civile, la police intérieure. De la sorte les choses marchèrent assez bien. Cependant à la fin les pharisiens l’inquiétèrent, et il voulut en avoir le cœur net. De nouvelles victoires venaient de couronner ses armes. De retour à Jérusalem, il offrit un festin splendide aux notables des deux partis. Sur une table dorée, il avait fait servir à ses convives les mets les plus recherchés à côte de racines sauvages apportées du désert en souvenir des temps durs, mais héroïques, de la guerre de l’indépendance. Ce contraste était éloquent et fait pour plaire à tout le monde. Là-dessus il se leva et demanda aux assistans si l’on avait à lui reprocher quelque contravention à la loi, ajoutant que dans ce cas il réformerait sa conduite de grand cœur. Il espérait sans doute obtenir des chefs du parti puritain un satisfecit qui lui concilierait les autres ; mais un

  1. L’origine de ce nom est obscure, peut-être un nom d’homme, Saddok ; mais on ne sait rien de ce Saddok, et j’incline toujours à penser que ce nom fait allusion à la prétention du parti d’être rigoureusement juste (zaddik) dans sa manière d’appliquer la loi aux criminels traduits devant les tribunaux. Très indulgens pour les infractions au formalisme compliqué des scribes, les sadducéens étaient plus sévères que les pharisiens dans l’administration de la justice. Ce sont eux surtout qui jugeaient en vertu du principe du talion, œil pour œil et dent pour dent.