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prescriptions légales ? Même à l’intérieur, l’hellénisme reparaissait sous mille formes. Le grec était nécessaire aux trafiquans. C’est aux Grecs qu’il avait fallu emprunter l’art des fortifications, la tactique militaire (le temps des guérillas était loin), la forme des monnaies et la manière de les frapper. Le palais lui-même que les Asmonéens s’étaient fait construire à Jérusalem était de construction grecque, ainsi que le mausolée qu’ils avaient érigé à Modin, leur lieu d’origine. Enfin il aurait fallu aux Asmonéens et à leurs officiers enrichis par la victoire une vertu aussi rare qu’héroïque pour ne pas introduire dans leurs demeures, dans leurs habitudes, ces raffinemens voluptueux que la Grèce en décadence renvoyait à l’Asie, d’où elle les avait tirés, plus séduisans, plus dangereux encore, parce qu’elle leur avait imprimé son incomparable cachet d’élégance.

Il est donc facile de comprendre que deux courans divergens, quoique de même source, se soient formés, sous les Asmonéens, au sein du peuple juif. La source commune fut l’attachement à la patrie ; mais cette patrie était à la fois politique et religieuse, et la divergence commença dès que les exigences pratiques de la politique ne se concilièrent plus avec l’idéal de la théocratie. Cet idéal, depuis Esdras et plus encore depuis le triomphe des Macchabées, se résumait dans l’observation rigoureuse, absolue, de la loi mosaïque. Maintenant les officiers, les diplomates, les Juifs qui avaient voyagé ou qui s’enrichissaient par le commerce avec l’étranger, en un mot l’aristocratie, tout en tenant sincèrement au monothéisme et à la loi en tant que fondemens de la société juive, était d’avis que, dans l’intérêt du peuple juif lui-même, il était dangereux d’en exagérer les rigueurs, qu’il fallait plutôt en rabattre toutes les fois que le pays y trouvait son compte ; de là, chez cette classe, une certaine indulgence pour les écarts motivés par des raisons politiques ou d’intérêt et une antipathie croissante pour ces dévots qui, sous prétexte d’établir une « haie » protectrice autour de la loi, en faisaient un véritable fourré d’épines où nul ne pouvait plus passer sans se déchirer, et transformaient le peuple juif, très disposé à les écouter, en un amas d’êtres insociables qui avaient l’air de haïr tout le reste du genre humain. En effet, depuis que l’indépendance était reconquise et le culte légitime restauré, on avait vu bon nombre de chassidim déclarer qu’il fallait en finir avec la politique mondaine et se concentrer plus que jamais sur l’observation des devoirs religieux. La gloire de la dynastie asmonéenne, l’éclat qui en rejaillissait sur la nation, la vie plus aisée et plus douce, tout cela les touchait fort peu. Ils secouaient dédaigneusement la tête devant les pompes de la nouvelle royauté, dont le parfum étranger