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qui avait plutôt pris que perdit des forces en se raidissant contre les influences babyloniennes et persanes, faillit succomber au charme séducteur de l’esprit grec. Depuis Alexandre, et à l’ombre même du temple, on avait vu se former tout un parti de Juifs qui, sans adopter précisément la religion des Grecs, affichait une complaisance de plus en plus marquée pour tout ce qui était grec, costume, langage, monumens, jeux publics, et trouvait fatigante ou ridicule plus d’une coutume consacrée par la religion nationale. On vît des Juifs modifier leur nom sémitique pour lui donner une tournure grecque, des Josué se faire appeler Jason, des Eliakim, Alkimos, etc. Plusieurs même se soumirent à des opérations chirurgicales pour faire disparaître les traces de la circoncision. La mondanité grecque menaçait de noyer dans ses pompes envahissantes le piétisme juif et ses traditions puritaines.

Le roi de Syrie, Antiochus III le Grand, encouragea cette tendance helléniste par la bienveillance dont il fit preuve envers ses sujets de Judée. Sous son successeur, Séleucus IV, les richesses du temple commencèrent d’allumer les convoitises de la royauté syrienne, qui était toujours à court d’argent ; en même temps le sacerdoce de Jérusalem se déconsidéra par la vénalité et l’immoralité de ses plus hauts dignitaires. Autiochus IV Épiphane, roi de Syrie depuis l’an 175, voulut brusquer les choses et gâta tout.

À mesure que la grécomanie s’était répandue, une réaction piétiste avait protesté toujours plus fortement au nom de la foi et de la nationalité. Les chassidim ou les pieux commencèrent par irriter Antiochus en opposant une sourde résistance, pour lui incompréhensible, aux mesures calculées pour helléniser encore plus la Judée. Dans un moment de colère et de pénurie, il pilla le temple ; puis, portant le plus insupportable des défis au parti des chassidim, il ordonna l’introduction du culte grec dans tout le pays. La célébration des fêtes juives fut interdite sous peine de mort. Jupiter Olympien eut son autel et probablement sa statue dans le temple de Jéhovah. Les vieux Juifs se voilèrent la face d’horreur, et bien que, comme toujours en pareil cas, l’intérêt, la peur, l’adulation servile du parti favorisé, fissent illusion au despote sur l’effet réel de ses mesures, on put prévoir que de la sombre fermentation des esprits surgirait quelqu’un de ces soulèvemens désespérés qui trompent les calculs les mieux conçus de la politique. Une étincelle mit le feu. Un jour, à Modin, au milieu de la stupeur générale, le vieux prêtre Mathathias déclara « qu’il ne savait plus pourquoi il était né, » puisque les gentils profanaient le temple de Dieu. À cette parole, ses cinq fils se levèrent, partirent pour la montagne et furent bientôt rejoints par des bandes de partisans