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mère de Marie Stuart, Marie de Lorraine, obéissant aux conseils des Guises, ses parens, employa l’argent et les soldats de la France contre les protestans écossais, et ne fit qu’en accroître le nombre. Ce ne fut pas la religion nouvelle qui mit sur ses gardes la nationalité, ce fut plutôt la nationalité qui donna gain de cause à la religion nouvelle. Dès lors la réforme s’ajouta au patriotisme pour nous combattre et nous repousser. Enfin les intrigues de Catherine de Médicis et le rôle de la France dans les guerres religieuses déterminèrent la rupture entre les deux peuples.

Cette amitié que nous perdions fut recueillie par l’Angleterre, et la terreur que nous inspirions aux Écossais devint de la confiance dans leurs anciens ennemis. Jusque-là les Anglais ne s’étaient fait connaître à l’Ecosse, que par des cruautés ou des perfidies ; leur politique désormais fut plus habile. Ce même George Douglas qui négociait secrètement avec les agens de Henri VIII leur avait montré le bon chemin pour réussir. Il leur recommandait la patience et la flatterie. « Les sujets des deux royaumes, disait-il, ayant la liberté de communiquer ensemble et de se voir sans demander de sauf-conduit, ne pourraient manquer d’établir entre eux des relations familières et amicales. Les gentilshommes d’Ecosse, fréquentant la cour d’Angleterre à la faveur de la paix, bien traités à Londres et à Windsor, se prêteraient aux vues de leurs puissans voisins. » Ces conseils ne portèrent pas d’abord tout leur fruit ; mais ce que l’avidité impatiente de Henri VIII ne fit pas, les artifices d’Elisabeth et la sagesse de ses conseillers l’accomplirent ; puis les dangers communs des deux pays resserrèrent des liens préparés par la politique. Vers la fin de la régence de Marie de Lorraine, une poignée d’Écossais combattirent côte à côte avec les Anglais et marquèrent la première date de la réconciliation. Dans les conférences qui amenèrent ce résultat, on vit, chose singulière, les obligés faire la loi à leurs protecteurs. L’inflexible fierté de l’Ecosse se refusait à négocier ailleurs que sur le banc de sable de la Tweed, entre les deux frontières. L’Angleterre tenait si fort à donner ses troupes et son argent, qu’elle en passa par où voulut l’Ecosse. Elle consentit même à franchir entièrement la Tweed et à traiter sur le sol écossais, les îles étant submergées et le fleuve se montrant aussi difficile d’humeur que les habitans. Les Anglais se firent humbles pour la circonstance, ils cédèrent ; ils donnèrent sans y regarder, comme des calculateurs habiles incapables de manquer par leur faute un bon placement.

Bien des traits resteraient encore à tracer qui peignent l’organisation particulière de la nationalité écossaise, et expliqueraient les progrès qu’elle a faits depuis les origines jusqu’en 1568. Un point