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continent, en Écosse ils ne nous recevaient que par nécessité, et, la guerre finie, ce ne leur était pas un moindre plaisir de voir les Français s’embarquer que d’avoir vu fuir les Anglais. En 1517, ils tuèrent dans un guet-apens un capitaine français, La Bastie, chevalier accompli employé à la garde de la frontière par le régent d’Écosse, parce qu’il avait été investi d’un commandement dans le pays environnant. Isolés, cantonnés dans leur nationalité toujours menacée, ils avaient la politique très simple du chien de garde, qui saute à la gorge de tout étranger qui approche.

Au milieu de cette défiance universelle de tout ce qui n’était pas écossais, il y avait pourtant un parti anglais parmi les lords, ou plutôt l’Angleterre n’avait jamais cessé d’avoir des intelligences dans la place : son or, ses faveurs, ses promesses, étaient des tentations toujours prêtes pour ceux qui avaient à se plaindre des rois ou simplement de la fortune. Seulement le temps était passé où le lord entraînait avec lui ses vassaux sous le drapeau qu’il adoptait. L’attachement aux grandes familles et les préjugés de clan ne pouvaient plus rien contre l’unité nationale. Les amis de l’Angleterre n’étaient plus que des exceptions isolées, et leurs pratiques secrètes des complots impuissans. George Douglas, un de ces partisans cachés des Anglais que l’on appelait les Écossais garantis, assured Scots, disait à l’ambassadeur de Henri VIII, Sadler, que le jour où l’Angleterre ferait une démarche équivoque, il n’y aurait pas un enfant qui ne reçût à coups de pierres les Anglais et leurs partisans, que les femmes mêmes s’armeraient de leurs quenouilles, que les communes préféreraient la mort à la sujétion anglaise, qu’un grand nombre de nobles et que tout le clergé résisteraient. Ainsi l’esprit de suzeraineté et de vasselage était vaincu, la forteresse féodale entamée. L’esprit national y avait ouvert une large brèche ; aucune autorité n’était plus capable de contraindre le menu peuple à seconder une invasion anglaise. « Si les lords écossais sont obligés de réclamer du secours, écrivait Sadler à son roi en 1544, ce n’est pas le chiffre de cinq mille hommes qui pourra leur être bien utile, car l’entrée de cinq mille Anglais en ce pays causera la désertion de vingt mille Écossais qui se jetteront sur l’ennemi. Dès que les lords introduiront les Anglais, la plupart de leurs vassaux et amis, si ce n’est tous, les abandonneront. » Ailleurs l’ambassadeur de Henri VIII écrit encore : « Quand même tels ou tels nobles qui se donnent pour amis de votre majesté seraient réellement contens, comme ils le disent, de voir entre vos mains la suzeraineté de ce royaume, s’il faut dire ce que je pense, j’affirme à votre seigneurie que pas un d’entre eux n’a deux serviteurs ou deux amis qui partagent leur manière de voir, et qui prennent leur parti en cette affaire. »