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d’entre eux, et en particulier de Bruce et de Baliol, pour des fiefs situés en Angleterre ; mais suzerain du roi d’Écosse, il ne l’est pas. S’il l’était, il eût réclamé son droit dès le jour où la jeune Marguerite hérita de la couronne ; son devoir féodal l’obligeait de prendre la tutelle d’une mineure. Profitant de la position de protecteur qu’il avait en qualité de futur beau-père de la souveraine, il réunit ses barons sur la frontière, à Norham. Point d’Écossais convoqués. De leur côté, les prétendans ne peuvent pour le moment que reconnaître la suzeraineté du roi ; divisés entre eux, sur qui s’appuieraient-ils pour chicaner Edouard sur ce qui ne leur paraît encore qu’un vain titre ? Treize séances, du 1er mai au 3 août, trois mois sont consacrés à l’exposé des prétentions de chacun et à la reconnaissance du roi comme lord supérieur. La politique d’Edouard a besoin de temps. La seconde période du procès est marquée par un incident qui doit intriguer fort acteurs et spectateurs. Le roi a mis Baliol et Bruce en demeure de désigner chacun quarante conseillers, et lui-même en nomme vingt-quatre. Quelle sera la fonction de ces cent quatre personnages ? Le roi garde son secret. Nouvel ajournement du 3 août 1291 au mois de juin 1292. Assurément, comme juge, Edouard ne se hâte pas ; mais, comme lord supérieur, il emploie bien son temps. En renouvelant les pouvoirs des commissaires de gouvernement ou gardiens nommés par les états, il leur donne quelques nouveaux collègues. Il fait briser en quatre morceaux l’ancien sceau d’Écosse et en met un autre à la place ; il se fait prêter serment par les Écossais assistant aux audiences. Il se fait livrer les forteresses nationales. Les commissaires ou gardiens sont chargés de réclamer par toute l’Écosse le serment au nom du lord supérieur ; quinze jours de délai sont accordés et des localités fixées pour la prestation de ce serment. Enfin une commission est nommée pour fouiller les archives du pays en vue d’examiner les documens qui pourraient se rapporter non-seulement aux droits des prétendans, mais encore à ceux du lord supérieur.

Désormais la position du roi en Écosse est assurée ; le procès entre dans sa troisième période. C’est alors qu’Edouard Ier commence d’interroger les conseillers ; c’est aussi alors qu’on s’aperçoit qu’il ne les a pas mis sur le pied d’égalité. S’adressant aux quatre-vingts conseillers de Baliol et de Bruce, il leur demande d’après quelle loi ou coutume le jugement doit être prononcé, question inattendue, cas difficile et sans exemple dans le passé de l’Écosse. Les conseillers écossais demandent à consulter les conseillers anglais ; ceux-ci gardent le silence. Le roi déclare alors qu’il va faire prendre des informations dans le monde entier pour résoudre une question si difficile, et ajourne de nouveau le tribunal au 10 octobre de la même année. A la reprise des audiences, les vingt-quatre