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profusion dans toute l’Égypte, l’architecte devait obéir à des règles déterminées, car l’ornementation était conçue et les scènes peintes étaient disposées de façon à mettre l’édifice en relation à la fois avec le ciel et avec la terre. On choisissait pour les plafonds les scènes ayant trait aux phénomènes célestes, et pour les soubassemens celles qui se rapportaient aux phénomènes terrestres. Il y avait pour chaque ville, pour chaque temple une terminologie mystique applicable aux divers édifices ou parties d’édifice. Aussi le prêtre était-il seul en état de diriger ces constructions grandioses. Les architectes dont on a retrouvé les monumens sont des prêtres, comme Hapi, le directeur des bâtimens du roi Teta (vie dynastie) ou Bakenkhonsou, à la fois grand-prêtre d’Ammon et principal architecte de Thèbes sous Seti Ier et Ramsès II.

On aura une idée de ces temples en étudiant au Champ de Mars la restauration du petit temple de Philæ, qu’a exécutée un habile architecte, M. Drevet, pour y loger les richesses de l’exposition égyptienne ; mais ce n’est là qu’un faible spécimen de ce qu’on rencontre aux bords du Nil, les dieux y avaient de bien plus magnifiques demeures. Ces sanctuaires, malgré de prodigieuses dimensions, n’étaient pourtant pas consacrés au culte de tous. Chaque Égyptien possédait sa chapelle, où il faisait ses dévotions. Le temple n’était en réalité que l’oratoire du pharaon. A lui seul et aux prêtres qui l’assistaient pour les hommages rendus aux divinités, il était permis de pénétrer dans ces splendides édifices. Nous aurons de ceux-ci une idée plus complète et plus juste par la publication que M. Mariette a entreprise de ses fouilles, et qui comprendra les temples d’Abydos, de Denderah et de Djebel-Barkal.

Qu’on se représente un édifice quadruple de Notre-Dame de Paris, tel qu’était par exemple le grand temple de Karnak ; eh bien ! ce vaste sanctuaire était tout entier réservé aux dévotions du roi. Chaque chambre, chaque chapelle était affectée à des rites spéciaux que le monarque accomplissait à de certaines fêtes et que nous indiquent les inscriptions. Les textes hiéroglyphiques deviennent surtout fort explicites au temps des Ptolémées, peut-être parce que la tradition de la liturgie tendait alors à se perdre. A Abydos, on a retrouvé sept chambres voûtées présentant une série de cent quarante scènes (vingt par chambre) où l’on voit le roi Seti Ier le fondateur du temple, accomplissant dans l’une des postures de l’adoration un rite spécial. La légende indique la prière qu’il devait prononcer en chacune de ces cérémonies, qui avaient lieu à certains anniversaires ; la nature des offrandes à faire est soigneusement déterminée. Au côté droit du sanctuaire, c’étaient des objets matériels et solides ; au côté gauche, on brûlait des parfums. On le voit, la liturgie égyptienne n’avait rien abandonné à