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assurer la conservation de la chaleur vitale, on recourait à l’emploi de formules mystiques prononcées au moment des funérailles, à de certaines amulettes que l’on plaçait sur la momie. La principale de ces amulettes était un disque plat en carton, en toile ou en cuivre, sur lequel étaient gravées ou tracées à l’encre des légendes symboliques, et que l’on déposait sous la tête du mort. De là le nom d’hydrocéphale que les antiquaires ont donné à ce disque. En général la plupart des cérémonies funéraires, les enveloppes diverses des momies, les sujets peints soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des cercueils, ont trait aux différentes phases de la résurrection, telles que la cessation de la raideur cadavérique, le fonctionnement nouveau des organes, le retour de l’âme.

La croyance à notre immortalité ne s’est jamais séparée de l’idée d’une rémunération future de nos actions, et c’est ce qu’on observe en particulier dans l’ancienne Égypte. Quoique tous les corps descendissent dans le monde infernal, dans le ker-neter, ils n’étaient pas néanmoins tous assurés de la résurrection. Pour l’obtenir, il fallait n’avoir commis aucune faute grave, soit en action, soit en pensée, comme cela ressort de la scène de la psychostasie ou pèsement de l’âme, figurée dans le rituel funéraire et sur plusieurs cercueils de momies. Le mort devait être jugé par Osiris et ses quarante-deux assesseurs ; son cœur était placé dans un des plateaux de la balance que tenaient Horus et Anubis ; dans l’autre, on voit l’image de la justice ; le dieu Thoth enregistrait le résultat du pèsement. De ce jugement, rendu dans la « salle de la double justice, » dépendait le sort irrévocable de l’âme. Le défunt était-il convaincu de fautes irrémissibles, il devenait la proie d’un monstre infernal à tête d’hippopotame ; il était décapité par Horus ou par Smu, une des formes de Set, sur le nemma ou échafaud infernal. L’anéantissement de l’être était tenu par les Égyptiens pour le châtiment réservé aux méchans. Quant au juste, purifié de ses péchés véniels par un feu que gardaient quatre génies à face de singe, il entrait dans le plérome, et, devenu le compagnon d’Osiris, de l’être bon par excellence, Ounnowre, il était nourri par lui de mets délicieux. Toutefois le juste lui-même, parce qu’en sa qualité d’homme il avait été nécessairement pécheur, n’arrivait pas à la béatitude finale sans avoir traversé bien des épreuves. Le mort, en descendant dans le ker-neter, se voyait obligé de franchir quinze pylônes ou portiques gardés par des génies armés de glaives ; il n’y pouvait passer qu’en prouvant ses bonnes actions ; il était soumis à de rudes travaux et devait cultiver les vastes champs de ce séjour infernal, qui était comme une Égypte souterraine et coupée de fleuves et de canaux. Il avait à soutenir contre des monstres, des animaux fantastiques, de terribles combats, et ne triomphait qu’en s’armant de