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charretier, tout cela était pris sur le vif, à l’exception pourtant de la chemise tachée de goudron, qui semblait tout bonnement sale. »

A la suite des Petits-Russiens venaient les Polonais, ou plutôt (car la sainte Russie ne reconnaît plus ce nom « prétentieux ») les Mazoviens, Cracoviens, Podlasiens, Lithuaniens, Samogitiens, etc., et l’on a soin de nous informer que, pour les « habitans indigènes de ces provinces de l’ouest, » ce sont « les fonctionnaires employés dans ces pays » qui s’étaient chargés de fournir les costumes et les « types ; » le prince Tcherkaskoï notamment, le grand exécuteur des lois agraires dans la malheureuse Pologne, a tenu à honneur de combler sous ce rapport une lacune qui aurait pu devenir fâcheuse. Des Polonais, la transition était naturelle aux « Slaves étrangers, » à ces frères de l’Autriche et de la Turquie qu’un sort inhumain retient encore séparés de la grande patrie commune et qui à l’exposition défilaient tout au long en mannequins ruthènes, slovaques, tchèques, moraves, croates, dalmates, serbes, monténégrins et bulgares, tous étincelans de beauté et de force dans leurs costumes splendides et pittoresques. Dans le groupe serbe, un vieillard surtout attirait l’attention, c’était le portrait frappant de Vouk Stefanovits, le célèbre collecteur des chants épiques de ce pays. — Au sortir de la section des « Slaves étrangers, » on rentrait de nouveau en Russie, mais dans une Russie différente, tout autrement originale et slave, qui sait ? peut-être bien la Russie même de l’avenir !… Des Tatares, des Morduans, des Tcheremisses, des Turkomènes, des Kirghiz, des Bachkirs, des Ostiaks, des Yakoutes, des Samoyèdes, ouvraient ici des perspectives toutes nouvelles et grandioses. « Le groupe des Yakoutes représente une assemblée au moment de la célébration du culte chamanique ; le chamane, d’un aspect terrible, entouré des emblèmes de son rôle, en costume fantastique, prononce ses incantations lugubres… » — « Les Samoyèdes assistent à un sacrifice ; le prêtre proclame ses oracles au moyen d’un tambour, pendant qu’un de ses aides jette une corde sur le cou de la victime, et que l’autre, son couteau à la main, s’apprête à l’égorger… » — « Plus loin, dans une encoignure et dans une demi-obscurité, un groupe des guèbres ; la décoration représente une vue de nuit du monastère des adorateurs du feu à Bakou ; quelques squelettes vivans et presque nus sont assis devant un feu de naphte, etc.. » — « C’est par les guèbres que s’ouvre la section du Caucase. Au pied d’un Caucase artificiel, nous voyons un couple de Kourtines, peuple sauvage, belliqueux et en partie nomade, qui habite sur les bords de l’Aros et de l’Arpatchaï. Sur un rocher, un Khevrouss en cotte de mailles et une femme khevrouss, habitans des défilés de montagnes qui touchent à la Kakhétie ; au-dessus d’eux, un grand aigle du Caucase semble