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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


d’accusation contenant, outre les crimes ecclésiastiques, celui de lèse-majesté, c’est à votre piété d’ordonner le bannissement du coupable, afin qu’un si grand crime ne reste pas impuni. Quant à nous, il ne nous appartient pas d’en connaître. »

La première question de la session synodale venait d’être vidée au gré de Théophile, la seconde était celle des Longs-Frères ; mais à celle-là les évêques ne tenaient guère, et le patriarche moins que personne. Après la victoire si complète qu’il venait de remporter, un second combat offrait des périls, et l’importance du vainqueur de Chrysostome ne pouvait que s’amoindrir dans un débat contre de misérables moines. La procédure d’ailleurs était difficile : accusé par eux après les avoir condamnés en Égypte, voudrait-il les juger encore pour le même fait à Chalcédoine et présider le tribunal appelé à le juger lui-même ? S’il se récusait et que les accusateurs fussent libres, nul ne savait ce que pouvait produire sur le concile ou au dehors le tableau de tant de violences et de méfaits présenté par la parole rude et franche des Longs-Frères. La joie du triomphateur s’en trouverait vraisemblablement fort troublée. Qu’arriverait-il encore, si l’assemblée des évêques joannites qui siégeaient à Constantinople évoquait l’affaire, ainsi que leur lettre le laissait pressentir, et si l’empereur, qui penchait du côté des moines de Nitrie, donnait de nouveau carrière à ses scrupules ? C’étaient là de graves raisons, et une dernière ne l’était pas moins. Le procès des Longs-Frères soulevait inévitablement la question doctrinale de l’origénisme, à laquelle tous les esprits n’étaient pas préparés, témoin le mauvais succès d’Épiphane, et Théophile, qui avait su l’écarter du procès de l’archevêque, devait se soucier médiocrement de la faire renaître pour si peu de chose. Il résultait de tout cela dans son esprit un vif désir d’assoupir l’affaire ; mais les moines étaient des gens difficiles et opiniâtres, ils croyaient à leurs droits, ils étaient aigris par la souffrance, consentiraient-ils à se taire ? Des évêques amis de Théophile partirent pour aller tenter près d’eux une conciliation.

L’occasion était favorable, et les négociateurs trouvèrent ces malheureux dans un découragement profond. Depuis l’abandon de leur cause par Chrysostome, ce protecteur qu’ils étaient venus chercher de si loin, ils désespéraient de la justice et de la charité des hommes. La mort d’ailleurs faisait de larges brèches dans leurs rangs, et, pour ne parler que des chefs, la perte d’Isidore avait été suivie de près par une autre plus déplorable, celle de l’évêque Dioscore, l’aîné des Longs-Frères, leur soutien et leur guide. Il était mort quelques semaines auparavant, admiré des habitans même de cette ville inhospitalière, et son tombeau, placé dans la chapelle de