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taque était tellement vive, à ce qu’il paraît, qu’Eudoxie courut chez l’empereur, le conjurant de faire justice sans délai d’une injure commune à tous deux. Arcadius hésitait : Sévérien, appelé au conseil, opina pour qu’on attendît, avant de rien faire, l’arrivée de Théophile, qui à ce moment devait être en route pour Constantinople. Les amis de Chrysostome étaient dans la consternation, ses ennemis dans la joie.

Le patriarche d’Alexandrie en effet était en marche pour Constantinople. Après les premières nouvelles d’Épiphane, qui semblaient promettre à sa campagne dans la grande métropole de l’Orient une heureuse issue, Théophile avait commencé la sienne. Choisissant vingt-huit évêques égyptiens signalés entre tous par leur dévotion absolue à ses volontés, il leur avait recommandé de s’embarquer dans quelques jours pour venir le rejoindre à Chalcédoine, où il se rendait par la voie de terre. Ces précautions prises, il s’était acheminé vers la Palestine, la Syrie et l’Asie-Mineure, tandis qu’Épiphane reprenait la mer pour rentrer à Salamine. Le patriarche ne croisa donc pas sur sa route le cadavre de son ami.

IV.

Le but de Théophile en choisissant la route de terre pour gagner Constantinople était d’endoctriner au passage les évêques des provinces qu’il devait traverser, et il ne cachait point le but de son voyage. « Je vais à la cour, disait-il, pour déposer l’archevêque Jean… » Dans l’Asie proconsulaire, il se mit en rapport avec les églises encore agitées par les exécutions de Chrysostome. Les mécontens accouraient à lui, réclamant les uns leurs priviléges électoraux méconnus, les autres leurs siéges ravis sans jugement canonique, et l’évêque chassé de Nicomédie, le magicien Gérontius, ne manqua pas d’apporter ses haines habiles dans ce concours de toutes les rancunes et de toutes les vengeances contre l’archevêque. Ainsi la face des choses avait brusquement changé. Pour un tiers des églises d’Asie, Théophile devenait un réparateur ; il prenait le rôle d’un second justicier, qui, avec l’aide du futur concile, casserait les illégalités du premier, et rendrait force aux lois disciplinaires foulées aux pieds. Ses vingt-huit évêques d’Égypte l’attendaient à Chalcédoine, où il les rejoignit. L’évêque de la ville, Égyptien de naissance, les avait reçus comme des frères et attendait aussi le patriarche avec des sentimens qui étaient plutôt ceux d’un subordonné que d’un collègue. C’était ce même Cyrinus qui avait accompagné en 401 Chrysostome dans le fatal voyage d’Éphèse, et qui était devenu tout à coup son ennemi, soit flatterie pour Théophile, soit ressentiment de quelque déconvenue personnelle. Nul