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tacha au mouvement réactionnaire qui aboutit à la fin de la république et à l’établissement du régime impérial. Il fut assurément un des agens les plus déterminés et les plus efficaces de cette transformation politique, dans laquelle, après une démission de bon goût donnée à propos de la confiscation des biens de la famille d’Orléans et une courte éclipse, il reprit une position élevée. Le public eut particulièrement les regards tournés sur lui lorsqu’il revint aux finances à la fin de 1862. On se rappelle le rapport à l’empereur qui précéda sa rentrée, et qui était un manifeste de sage réforme. De bons esprits firent alors avec M. Fould le rêve qu’on pourrait contenir la politique générale dans l’équilibre de la dépense et du revenu en obtenant la renonciation du pouvoir au droit de décréter des crédits supplémentaires dans l’intervalle des sessions, et qu’on pourrait également élever un obstacle infranchissable à l’émission d’emprunts en temps de paix. La propre expérience de M. Fould a prouvé que cette précaution bénévole était insuffisante, et que, pour contenir un gouvernement contre l’entraînement aux dépenses, les garanties doivent être cherchées dans les institutions politiques. Une cruelle déception vint tout de suite entraver le système financier entrepris par M. Fould ; est-il besoin de dire que ce fut l’expédition du Mexique ? Cette expédition était décidée un mois avant la rentrée de M. Fould au ministère, et M. Fould l’ignorait. Il n’aurait certainement point accepté avec cet éclat la tâche de financier initiateur d’un système économique, s’il lui avait été donné de voir d’avance la nouvelle cause de dépenses qui allait s’ouvrir pour le trésor français dans les vicissitudes inconnues d’une guerre aussi excentrique. Le grand embarras de M. Fould dans son dernier ministère a donc été l’expédition mexicaine. Il a eu aussi à lutter, et sur ce point le succès a couronné ses efforts, contre la tendance aux emprunts destinés aux travaux publics, et que les hommes d’imagination et les rêveurs de monopoles décorent du nom brillant d’emprunts de la paix. M. Fould a dû se fatiguer aussi dans la transaction des expédions dilatoires par lesquels il fallait depuis deux ans chercher tous les six mois à sauver le Crédit mobilier. Bien que M. Fould n’ait pas pu, à travers ces tracasseries, atteindre le succès auquel il avait aspiré en 1862, les gens d’affaires lui savaient gré de ses efforts et de ses résistances. Sa présence au ministère des finances leur était une garantie contre les écarts périlleux. Ses intentions étaient surtout bien comprises et dignement appréciées en Angleterre, comme en témoignent les hommages que la presse anglaise rend à sa mémoire. En France, dans les régions gouvernementales, on commençait à lui rendre justice sous la leçon de la crise actuelle ; on parlait de son rappel prochain au ministère dans les jours qui ont précédé sa mort soudaine. Dans les temps troublés où nous vivons, ils sont rares les hommes publics auxquels on peut donner toute sa sympathie. Cependant parmi ceux qui ont connu M. Achille Fould,