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là assez de besogne pour occuper tout son temps. Pendant plusieurs années, il dut se livrer à un travail opiniâtre ; Davy ne paraissait le considérer que comme un bon auxiliaire dont il s’agissait de tirer le meilleur parti possible, et qui ne devait jamais oublier la distance qui le séparait de son illustre maître. On ajoute que pendant leur séjour à Paris Davy ne vit pas sans un ennui marqué les attentions dont le jeune Faraday était l’objet de la part de quelques savans, et lorsqu’en 1824 la Société royale l’admit parmi ses membres, il ne tint point à Davy que cette admission ne fût ajournée. Quant à Faraday, il ne mentionne jamais ces incidens, que sa rare modestie lui a fait peut-être envisager sous un jour différent[1]. Il le faut aussi reconnaître, sans ses relations avec Davy ses progrès eussent été probablement moins rapides, et même pour sa carrière future c’était déjà une recommandation puissante que d’avoir travaillé à côté et sous les ordres d’un aussi-illustre savant.

Ce voyage à Paris dont il vient d’être question eut lieu au mois d’octobre 1813. Davy voulait visiter les volcans éteints de l’Auvergne ; il avait obtenu de l’empereur Napoléon la permission de venir en France quoiqu’on fût alors en guerre avec l’Angleterre. Faraday l’accompagnait en qualité de secrétaire et de préparateur. Un vaisseau parlementaire les débarqua à Morlaix, où ils furent retenus pendant une semaine par les autorités, qui suspectaient leurs papiers. Enfin ils purent se rendre à Paris. Davy se vit accueilli de la manière la plus cordiale par Guyton de Morveau, Gay-Lussac, Vauquelin, Cuvier, Berthollet, de Humboldt, Laplace et les autres illustrations de la science française, que son jeune aide eut ainsi l’occasion de voir de près ; c’est de ce temps que date la profonde sympathie qu’il a toujours montrée pour la France et pour tout ce qui venait de France. Sir Humphry, lady Davy et Faraday quittèrent Paris à la fin du mois de décembre pour explorer l’Auvergne et parcourir l’Italie jusqu’à Naples. Après avoir vu le Vésuve, on remonta vers le nord, afin

  1. Dans la vie de sir Humphry Davy que son frère, le docteur John Davy, fit paraître en 1836, on reproche à Faraday en termes très durs de n’avoir pas cité son ancien maître à propos des expériences sur la rotation des courans. Faraday, dans une réplique aussi digne que douce, s’est complètement justifié de cette accusation, dénuée de fondement. Il rappelle à cette occasion que des insinuations de la même nature s’étaient déjà produites en 1823. Sir Humphry venait de lire un mémoire à la Société royale ; un journal qui rendait compte de la séance lui attribuait des paroles fort injustes pour son aide. Sir Humphry alors rédigea lui-même une rectification que Faraday devait porter au journal en question, Annals of philosophy, et qui parut en effet peu de temps après, signée du rédacteur. Faraday ajoute qu’il a conservé la note originale, écrite de la main de Davy. Le mémoire de Davy a été publié, mais le manuscrit même dont il avait donné lecture a disparu des archives de la Société royale. « Toutes ces choses, dit Faraday, arrivèrent au moment où mon nom était mis en avant pour une candidature à la Société royale. Je ne crois pas que personne ait sciemment provoqué cet état des choses, mais tout semblait alors confusion, et généralement à mon désavantage.