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aux concessions de services maritimes, des devoirs et des droits de l’entreprise concessionnaire. La liberté des tarifs est la conséquence nécessaire de la faculté d’opérer les transports pour le commerce. Est-il vraisemblable que cette liberté ait à s’exercer contrairement à l’intérêt national, et qu’elle puisse favoriser de préférence le commerce étranger ? Non certainement. Les assertions qui avaient donné lieu au débat ont été déclarées inexactes. Qu’il se produise à certains momens dans les manœuvres de la spéculation commerciale des incidens, des nécessités de concurrence qui aient pour résultat de faire baisser le fret à destination d’un port étranger sans que cette baisse profite au marché national et même tourne au détriment de celui-ci, une telle éventualité peut se concevoir ? mais elle ne sera jamais qu’à l’état d’exception, et elle n’aura qu’une durée très limitée. Le simple bon sens indique que l’intérêt permanent d’une entreprise de transports quelconque, subventionnée ou non, est de servir, premièrement et avec une sollicitude toute particulière le marché national, parce que là se trouve, avec la majeure partie de sa clientèle, sa plus forte base d’opérations. La mer est libre, elle appartient à tous, et la concurrence y règne sans entraves comme sans limites. Si l’on s’avisait de fixer un minimum de tarif pour un navire, le fret irait sans difficulté aucune à un navire concurrent. L’absolue liberté des tarifs pour le transport des marchandises est de l’essence même du commerce maritime : elle est aussi nécessaire pour les paquebots que pour les autres navires.

En 1866, la Compagnie générale transatlantique a transporté 28,000 tonnes de marchandises sur les lignes de New-York et du Mexique. La compagnie des Messageries impériales, qui parcourt dans son réseau de la Méditerranée des distances beaucoup plus courtes et qui exécute des voyages plus fréquens, a transporté 175,000 tonnes. Ces chiffres, comparés avec ceux du commerce général, ne sont assurément pas assez considérables pour porter ombrage à la navigation concurrente. Il ne faut point d’ailleurs perdre de vue que, si les paquebots-postes enlèvent aux autres navires une part de fret, ils leur procurent une compensation très notable par les transports de houille, qui forment chaque année le chargement d’un grand nombre de navires.

Enfin le système doit être jugé d’après les résultats. En examinant les comptes des compagnies, on observe qu’en 1865 la compagnie anglaise Royal-Mail aurait perdu par l’exploitation 2,500,000 francs, et la Compagnie péninsulaire 2,300,000 francs, si la subvention n’était venue rétablir la balance et laisser au capital engagé dans ces grandes entreprises un bénéfice net de 2,700,000 francs pour la première et de 6,400,000 francs pour la