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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


répondre, s’en remettant à Dieu, disait-il, des suites de tout cela ; il se décida plus tard à le faire, mais brièvement, modestement et sans aigreur apparente. Voici ce que contenait sa lettre : « S’il était vrai qu’un concile dût se réunir sous peu à Constantinople pour examiner précisément les choses dont ses deux co-évêques et frères daignaient l’entretenir, il attendrait ces débats. Convenait-il, quand l’église allait décider, de prévenir sa décision en condamnant qui que ce fût, ou en introduisant des nouveautés dans la foi ? Il ne le croyait pas, et remerciait du reste ses collègues de leur sollicitude à son égard. » Le dédain qui perçait sous les termes prudens de cette réponse irrita Épiphane au-delà de toute mesure, et, puisque le patriarche de Constantinople lui déniait l’autorité dogmatique devant laquelle s’était incliné celui d’Alexandrie, il résolut d’aller en personne l’admonester devant son peuple, dans la ville impériale, et le ramener au devoir ou le déposer, s’il le fallait, en étouffant l’hérésie sous l’hérétique. Quand Théophile apprit cette résolution, à laquelle il n’eût jamais osé songer, il fut au comble de la joie, laissa partir Épiphane et resta.

Ces préliminaires avaient traîné jusqu’à la fin de février ou au commencement de mars 403, et c’était pour un vieillard de quatre-vingts ans un rude et long voyage que la traversée de Chypre à Constantinople au plus fort des vents de l’hiver, qui rendent si dangereux la navigation des Cyclades et le passage de l’Hellespont. Épiphane néanmoins arriva sans encombre en vue de Constantinople. Là, au lieu d’aborder au grand port, il prit terre dans une anse d’où il pouvait, en tournant la ville, gagner le faubourg de l’Hebdomon et l’église de Saint-Jean-Baptiste, où il avait fait annoncer sa venue. Les faubourgs de Constantinople formaient depuis Théodose une espèce de zone neutre pour les communions religieuses. Ce prince, ainsi qu’on l’a vu, y avait relégué les églises du culte arien ; d’autres dissidens s’y étaient établis, et c’est encore là que s’étaient réfugiés tout récemment les prêtres catholiques qui faisaient schisme avec l’archevêque. Grâce peut-être, à la protection de l’impératrice, qui semble avoir eu pour l’église de Saint-Jean une dévotion particulière, ce temple leur était resté ouvert, et ils en composaient en majeure partie le clergé ; mais ce clergé, affichant pour le chef métropolitain une ardente hostilité, ne se recrutait guère que parmi des hommes qui professaient les mêmes sentimens. C’était donc au milieu d’un clergé schismatique qu’Épiphane venait faire son entrée à l’Hebdomon. Reçu à l’église de Saint-Jean dans un appareil presque triomphal, il y célébra les saints mystères et récita ensuite la collecte, qui était une prière suivie d’une allocution au peuple terminant l’office du jour. Il avait