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subventions actuelles y passeraient. En conséquence, on peut affirmer que ces subventions ne sont autre chose qu’un déplacement de dépenses. Au point de vue purement financier, l’état ne débourse pas un centime de plus en traitant avec les compagnies que s’il exécutait lui-même les services maritimes.

Mais ce n’est là, nous le croyons, que le côté étroit de la question. Dans le calcul des dépenses et des recettes, l’élément qui domine est l’élément commercial. Or, s’il est un résultat incontestable, c’est l’essor extraordinaire qu’ont pris les échanges dans tous les pays où les paquebots ont abordé. A quoi bon recourir aux statistiques ? Leurs chiffres fastidieux ont cependant en cette matière une grande éloquence. Ils ont été bien souvent cités, et nous pouvons nous dispenser de les reproduire[1]. Qu’il nous suffise de rappeler que partout l’apparition des steamers affectés aux communications postales a produit les mêmes effets, à savoir un développement rapide de la production et des échanges. Le mouvement commercial a quintuplé, décuplé, entre les pays qui se sont vus rapprochés et reliés l’un à l’autre par des lignes régulières, et cela s’explique. Le travail de la production ne peut s’accroître qu’à la condition d’obtenir un marché plus étendu pour la vente des produits, et le commerce est d’autant plus apte à remplir son office d’intermédiaire qu’il a plus de facilités pour transporter rapidement ses correspondances ou ses agens qui l’informent de la situation des marchés. L’information exacte et prompte est le principe de l’échange. Supposez que le paquebot ne transporte pas une tonne de marchandise, et que son rôle se borne, comme dans l’origine, à transporter les lettres et un petit nombre de passagers. Chaque lettre est un avis ou une commande, qui excite la production ; ces passagers, qui pour la plupart ne se seraient pas mis en route, s’il leur avait fallu subir de longues traversées, sont eux-mêmes les missionnaires les plus actifs, les plus efficaces du commerce, car, parmi les divers instrumens de la production et de l’échange, l’homme qui circule avec son intelligence, avec l’esprit d’entreprise, souvent avec un capital déjà réalisé, l’homme est l’élément le plus fécond. Qu’arrive-t-il alors ? Quand le paquebot a accompli son œuvre, quand il a transmis les ordres et répondu aux demandes, quand la partie est liée, pour ainsi dire, entre les marchés correspondans, les produits s’accumulent de part et d’autre, et il faut les transporter. De là l’emploi nécessaire et d’autant plus abondant des navires exclusivement

  1. Ces documens statistiques sont exposés avec détail dans l’ouvrage de M. E. Flachat, dans les rapports annuels des compagnies et dans plusieurs écrits, parmi lesquels nous citerons une Étude sur les Paquebots à vapeur français, par M. L. Smith, et un travail sur les Services transatlantiques à vapeur en Europe et aux États-Unis, par M. E.-B. Le Beuf.