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l’amour-propre national avait engagé le congrès à doter l’Union d’un grand service de steamers postaux largement subventionnés on éprouvait de l’autre côté de l’Atlantique une sorte de déplaisir à voir le service entre les mains des Anglais. Frère Jonathan était, jaloux de John Bull ; mais on devient moins fier quand il faut payer. Les Américains jugèrent avec raison qu’il était inutile de dépenser de grosses sommes pour un service qui était fait par d’autres, et ils se sont bornés, comme on l’a vu plus haut, à un sacrifice de 3 millions pour subventionner la compagnie Inman, dont les navires, moins rapides et moins luxueux que ceux des compagnies anglaises et françaises, sont aménagés pour transporter de nombreux immigrans. C’est du côté de l’Océan-Pacifique que les États-Unis déploient leurs plus grands efforts pour augmenter les services à vapeur ; sur l’Atlantique, pour les communications avec l’Europe, l’Angleterre et la France se chargent d’assurer la fréquence et la régularité des voyages.

Il est permis de s’effrayer au premier abord du total des subventions que les gouvernemens de France et d’Angleterre prélèvent sur leurs budgets afin d’entretenir des lignes de paquebots. Hâtons-nous de dire que les chiffres comportent en réalité de nombreuses et sensibles déductions, car il est juste d’inscrire en regard de la dépense les recettes que les paquebots procurent directement au budget. C’est le trésor public qui perçoit la taxe sur les correspondances, recette qui s’accroît chaque année. Les paquebots-postes transportent gratuitement ou à prix réduit les fonctionnaires civils et militaires. Les compagnies demeurent soumises à toutes les taxes générales ou locales, et sous cette forme elles rendent an trésor des sommes importantes. La création de vastes établissemens, le mouvement d’immenses capitaux, les actes et transactions, de toute nature qui régularisent le fonctionnement des grandes entreprises, ce sont là autant d’élémens de recettes pour le fisc. Le budget français recouvre par ces procédés très directs le quart au moins des subventions qu’il paie aux compagnies[1]. Enfin, il est évident qu’à défaut des entreprises subventionnées, l’état aurait à pourvoir lui-même à l’organisation de ces transports rapides que les progrès de la civilisation, les nécessités politiques et l’intérêt du commerce ont rendus indispensables : il lui faudrait avoir ses paquebots sur les océans comme il avait autrefois les malles-postes sur les routes de terre, et l’exemple des premiers paquebots installés dans la Méditerranée donne la mesure des sacrifices d’argent qui seraient ainsi imposés au budget. Plus des trois quarts des

  1. Cette proportion est souvent plus forte ; ainsi elle atteint près de 50 pour 100 de la subvention qui est allouée à la compagnie des Messageries impériales pour les services de la Méditerranée.