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nombre de familles végétales relativement aux genres et aux espèces ; nulle part on ne voit une aussi forte proportion d’arbres et d’arbustes, comparés aux plantes annuelles ; nulle part les cryptogames n’offrent une pareille variété de formes. Les prairies manquent, mais en revanche les fougères poussent en immenses forêts. Par la série de ses animaux aussi bien que par celle de ses végétaux, la Nouvelle-Zélande ne ressemble à aucune autre terre. Elle ne nourrit point de bêtes de proie, de même qu’elle ne donne point naissance à des plantes vénéneuses. Elle n’a d’autres mammifères indigènes que deux chauves-souris, un rat, introduit peut-être par les navires, une sorte de loutre, et un animal sauteur dont on n’a vu que les traces. Enfin les deux îles se distinguent par leurs remarquables espèces d’oiseaux aptères, plus nombreuses que celles de tout le reste du monde. Ces faits justifient l’opinion de Hochstetter, qui voit dans la Nouvelle-Zélande et dans l’île voisine de Norfolk les fragmens d’un continent isolé depuis l’antiquité géologique la plus reculée. Tandis que la Grande-Bretagne peut être considérée comme le type des îles à peines séparées du continent voisin, sa belle colonie des antipodes représente au contraire un ancien monde graduellement réduit par les érosions de la mer et les affaissemens aux dimensions d’un simple groupe insulaire.

En dehors de ces débris de masses continentales antiques ou modernes, toutes les saillies qui se montrent au-dessus du niveau de l’océan sont des îles bâties par les zoophytes ou des volcans rejetés du fond des mers ; telle est sans exception l’une ou l’autre origine des terres émergées. Les caractères distinctifs de ces deux espèces d’îles sont connus de tous. Ainsi que Darwin l’a démontré par les admirables recherches faites à bord de l’Adventure, les récifs de construction madréporique peuvent servir d’indicateurs pour révéler les oscillations du fond de la mer. Les bâtisseurs qui travaillent par myriades à l’élévation de ces roches vivent seulement dans les couches superficielles des eaux, et cependant des multitudes d’îles érigées par eux surgissent d’abîmes océaniques de plusieurs centaines ou même de plusieurs milliers de mètres de profondeur. Il faut donc en inférer que le sol sur lequel reposent ces édifices s’est affaissé graduellement ; les fondations descendent, mais en même temps les animalcules ne cessent d’exhausser le faîte et le maintiennent toujours au niveau de la surface de l’océan. C’est ainsi que se forment sur les hauteurs sous-marines de continens engloutis ces étranges atolls, à l’architecture d’une si merveilleuse régularité. Semblables à des ceintures de fleurs posées sur les eaux, les blancs récifs rayés de rose et d’autres couleurs vives, ombragés d’arbustes que domine çà et là le feuillage épanoui des cocotiers,